One Color, Five Adjectives (Une couleur, cinq adjectifs)

À partir de 1966, Joseph Kosuth sous-titre toutes ses œuvres « Art as Idea as Idea ». Dans un auto-entretien de 1969, il explique cette évolution comme une tentative de réaction à la résistance visuelle de ses œuvres antérieures, qu’il s’agisse de ses « Proto-Investigations », encore centrées sur un objet, ou de leur forme plus radicale – la seule reproduction agrandie d’une définition extraite du dictionnaire : « Il m’apparut que la forme de présentation (photostats) était souvent considérée comme des “tableaux”, quand bien même je m’efforçais de faire bien comprendre que les photostats étaient des photostats et que l’art était l’idée. » Avant de dissoudre définitivement l’« objet-langage » par le fractionnement de ses définitions et par l’investissement, à partir de 1968, du champ des médias, Kosuth passe par une étape intermédiaire, mettant en œuvre l’utilisation de néons ; One Colour, Five Adjectives appartient à cette série. La volonté est, semble-t-il, de dissocier le concept de tout contexte, et le mot de tout support (papier, photo, livre, objet), de l’abstraire par la répétition, de le dissoudre visuellement par la monochromie. Le résultat obtenu provoque une sidération qui n’est pas sans évoquer la conclusion de l’article de Kosuth intitulé « L’art après la philosophie » : « À cette époque de l’humanité, après la philosophie et la religion, l’art pourrait bien, en tant qu’effort de recherche, venir combler ce qu’en d’autres temps on eût appelé les “besoins spirituels de l’homme”. »

Christine Macel

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007