Le contorsionniste
[1989]
Le contorsionniste
[1989]
Domaine | Dessin |
---|---|
Technique | Craie grasse, fusain et résine sur papier |
Dimensions | 124 x 204 cm |
Acquisition | Achat, 1995 |
N° d'inventaire | AM 1995-191 |
Pas de reproduction
Informations détaillées
Artiste |
Fabrice Hyber
(1961, France) |
---|---|
Titre principal | Le contorsionniste |
Date de création | [1989] |
Domaine | Dessin |
Technique | Craie grasse, fusain et résine sur papier |
Dimensions | 124 x 204 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté |
Acquisition | Achat, 1995 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1995-191 |
Analyse
L’œuvre de Fabrice Hyber, l’une des plus singulières apparues en France au milieu des années 1980, est constituée d’un ensemble de dessins, peintures, vidéos, installations, dont le montage met chaque fois à nu la prolifération de la pensée, l’éventail des possibilités d’intervention sur la forme et les comportements. Cette diversité révèle la multiplicité des références et des savoirs auxquels fait appel l’artiste pour mieux coller à la réalité plurielle des faits. Sous l’habit du Contorsionniste [1989], Hyber défait les idées reçues, croise les techniques et les disciplines (artisanat, physique, parapsychologie, astronomie, chirurgie…) afin de répondre aux nouveaux modes de résolution des conflits, à la mobilité croissante des réponses géopolitiques et économiques.
C’est dans la vingtaine de Peintures homéopathiques , à partir de 1986, qu’il met en place sa recherche sur l’origine des formes et des échanges. Conçues comme des amalgames où s’accumulent des écritures, des dessins et des photographies de différentes dates et origines, ces « peintures » fonctionnent sur l’hybridation et les jeux d’association. Dans la rencontre des images et des mots se forme un récit susceptible, à terme, de générer un projet d’entreprise, opération de « digestion » qui adopte le tracé aléatoire du cheminement de la pensée. Le corps y prend une part décisive (surtout les parties du corps qui communiquent avec le monde, les orifices en particulier), augmentée par des effets de grossissement : la résine fait ici office de loupe, pour mieux faire apparaître le désordre des dessins, dont l’assemblage permet toutes les dérives (enflures, greffes, prothèses…). La forme n’est pour Hyber qu’une suite d’arrangements, de modifications physiques élémentaires ; elle est ouverte à des évolutions impromptues, accidentelles, qui s’illustrent dans les diverses sédimentations de couches à la surface de la toile (résine soufflée, saillie de papiers, entailles…).
Dans Peinture homéopathique n° 10 (Guerre désirée) , assemblage de feuilles dessinées, photocopies et photographies collées sur toile, l’artiste pose la question de la gestion des conflits géopolitiques. Les groupes ethniques et religieux ont élaboré des récits fondateurs trop fermés (générateurs de guerres fratricides et génocides à grande échelle) auxquels l’artiste oppose ici des « larves » de solutions plus partielles, évolutives, non définitives. Pour cela, le dessin, aléatoire, hybride, est lui-même le lieu du renversement et de la transgression. La rapidité d’exécution favorise l’apparition, le glissement, la fuite d’idées non contrôlées. C’est ainsi qu’à partir de 1987 apparaissent dans des dessins de petits formats de curieux personnages mis en situation de veille – un Pêcheur , un Chasseur , un Maçon , voire même un Éplucheur de pommes de terre – ayant pour point commun une activité ne nécessitant pas une attention exclusive. Derrière la relative nonchalance de leur activité, ils constituent pour l’artiste le modèle d’un suspens créatif entre l’action et l’intention, donnant libre cours au désir de transformation du monde.
Autre métaphore de ces nouveaux modes de circulation de la pensée, celle des cerveaux-intestins. Dans Digestion [1991], Hyber décline l’analogie formelle entre les méandres du cortex cérébral et ceux des viscères, cherchant à mettre en évidence les liens physiologiques entre le corps et la pensée : le cerveau est un circuit de « digestion des données » où se décline ce que l’artiste appelle lui-même le « matérialisme érotique », à mi-chemin entre poétique somnambule de la pensée et diététique corporelle.
Pascal Rousseau
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008