Sans titre
1950
Sans titre
1950
Beuys dessine de façon intuitive, pour tenter d’éprouver la richesse du monde physique et spirituel.
De 1951 à 1961, Joseph Beuys se met en retrait du monde artistique. Durant ces années, les matériaux naturels (sang, crayon, graisse, miel...) déposés sur la feuille de papier l'amènent à s'interroger sur sa relation au monde, en termes d’énergie et de flux. Réalisé un an avant son repli solitaire, ce dessin porte en germe sa réflexion sur les liens entre le corps et l’espace, qui traverse tout son œuvre. Il expérimente le rapport entre l’être humain et le paysage, représenté ici par des traces, des traits hésitants, des taches.
Domaine | Dessin |
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Technique | Mine graphite sur papier |
Dimensions | 16 x 25 cm |
Acquisition | Achat, 1990 |
N° d'inventaire | AM 1990-25 |
Informations détaillées
Artiste |
Joseph Beuys
(1921, Allemagne - 1986, République fédérale d'Allemagne) |
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Titre principal | Sans titre |
Date de création | 1950 |
Domaine | Dessin |
Technique | Mine graphite sur papier |
Dimensions | 16 x 25 cm |
Inscriptions | Signé, daté, dédicacé en bas au revers : Joseph Beuys 1950 // Für Heide |
Acquisition | Achat, 1990 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1990-25 |
Analyse
Considérable, l’œuvre dessiné de Beuys, qui ouvre la voie, comme le fait parallèlement celui d’Artaud, au dessin contemporain – la majeure partie des productions sur papier des années 1980-1990 en Europe s’en réclameront – occupe dans sa production multiforme une place centrale, qu’il a érigée comme le lieu de sa pensée intuitive et expérimentale. Il ne doit pas être compris feuille par feuille, mais comme un corpus, un « bloc », pour reprendre le terme choisi pour son magistral Secret Block for a Secret Person in Ireland , qui réunit 456 dessins entre 1936 et 1976. Beuys conçoit chaque dessin comme une « forme pensante » en évolution, comme une tentative d’éprouver la richesse du monde physique et spirituel, qui ne vaut que comme élément d’un large processus énergétique : c’est-à-dire comme un matériel transitoire, nécessaire à la définition du concept de son œuvre plastique. « Dans ces dessins, je procède par tâtonnement […], j’essaie d’évoquer des principes formels en vue de façonner l’avenir. » (allocution pour l’exposition « Zeichnungen 1946-1971 », Krefeld, 19 mai 1974). Durant les longues années de retrait solitaire, les matériaux naturels (cire, sang, crayon, eau, graisse, larme, miel, etc.) déposés sur la feuille de papier (définie comme un espace plastique) vont lui offrir les substances, au sens alchimique du terme, par lesquelles il interroge sa relation au monde, en termes immédiats d’énergie et de flux, bien avant qu’il n’exploite ses « expériences sculpturales » sensorielles (comme il nommera ces dessins) en objets, sculptures, et qu’il ne les enferme dans des vitrines, les érigeant de ce fait en symboles actifs.
Tirés de carnets, les deux feuillets de notes appartenant à la collection du Musée ne sauraient restituer la portée du travail graphique de Beuys (qui a toujours pris le soin de donner des ensembles aux institutions). Cependant, même dans leur économie, qui forme, avec l’excès, un des couples articulant sa démarche, ils ont le mérite de donner à voir – un an avant la décennie du repli (1951-1961) – deux de ses champs d’investigation. Dans Amphores (1949), où s’entremêlent des profils de vases, est donnée à sentir la question de la forme et de son moule, la tension, le désir de forme, qui est désir de pensée : car, pour Beuys, toute forme est pensée et toute pensée forme. Dans Sans titre (1950) apparaît le concept de l’extension corporelle à l’espace, de la relation de l’organique et de l’inorganique, qui traverse tout l’œuvre : ce qui est expérimenté ici est la distance incommensurable entre être vivant et paysage, zone vitale faite de taches, de traces, d’hésitations – salissures du crayon, traînées de poussière, liquéfactions. Le monde de Beuys, récepteur-conducteur d’énergies, est un monde de tremblement, de défection – un monde en ruine, mais en mutation.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliographie
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Comme le rêve le dessin : Paris, Centre national d''art et de culture Georges Pompidou, Musée du Louvre, 16 février-16 mai 2005.- Paris : édition du Louvre, 2005 (cit. p. 176, reprod. coul. n° 46 p. 50) . N° isbn 2-84426-261-9
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Collection Art graphique : [Catalogue de] La collection du Centre Pompidou, Musée national d''art moderne - Centre de création industrielle. - Paris : éd. Centre Pompidou, 2008 (sous la dir. d''Agnès de la Beaumelle) (cit. et reprod. coul. p. 271) . N° isbn 978-2-84426-371-1
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