Sans titre
1915
Sans titre
1915
Domaine | Dessin |
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Technique | Aquarelle et encre de Chine sur papier |
Dimensions | 34 x 22,8 cm |
Acquisition | Achat en 2001 grâce au mécénat de la société Kandinsky |
N° d'inventaire | AM 2001-201 |
Informations détaillées
Artiste |
Vassily Kandinsky
(1866, Empire Russe - 1944, France) |
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Titre principal | Sans titre |
Date de création | 1915 |
Domaine | Dessin |
Technique | Aquarelle et encre de Chine sur papier |
Dimensions | 34 x 22,8 cm |
Inscriptions | Monogrammé et daté en bas à droite : K / 15 |
Acquisition | Achat en 2001 grâce au mécénat de la société Kandinsky |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 2001-201 |
Analyse
Depuis les travaux de John Bowlt en 1980, puis ceux des historiens russes pour l’exposition « Kandinsky et la Russie » à la Fondation Pierre Gianadda en 2000, enfin la publication de Margarita Tupitsyn pour l’exposition « Gegen Kandinsky » à la Villa Stuck à Munich en 2006, les années du retour en Russie de Kandinsky, entre 1914 et 1921, cessent d’être occultées.
De 1914 à la fin 1917, le peintre est en proie à de grands troubles. Contraint de passer la frontière allemande à la déclaration de la guerre, il séjourne en Suisse, à Goldach, où, dans l’espoir d’une guerre éclair, il trompe l’attente par la mise au propre de Das Materielle in der Kunst. Le 22 décembre, il rejoint Moscou, où, à défaut de pouvoir peindre, il dessine. Le 15 novembre 1915, il écrit à Gabriele Münter, restée en Allemagne : « je travaille beaucoup à l’aquarelle. C’est un travail minutieux et j’apprends pour ainsi dire l’art du bijoutier. Ça m’aidera pour les grands tableaux qui se forment peu à peu dans mon cœur. » Les motifs initiaux – arbres, paysages – disparaissent rapidement sous le trait virtuose d’une plume qui, de l’endroit et du dos, mord le papier. Les taches d’aquarelle en surimpression portent jusqu’à la stridence la griserie des tons. La plupart de ces feuilles sont autant de crépuscules apocalyptiques au bord de l’implosion, où le dehors et le dedans se confondent ; les limites s’écartent, évacuant au centre un espace vide : l’œil du cyclone. Cette écriture fulgurante, qui n’est pas sans annoncer les dessins automatiques surréalistes, éclate en tous sens – seuls le K monogrammé et la date indiquent le mode de lecture. Elle découle en réalité d’exercices de la main patiemment répétés. Parallèlement à ce mode abstrait, Kandinsky s’adonne à des fantaisies figuratives Biedermeier, des « bagatelles ». Après un séjour à Stockholm de décembre 1915 à mars 1916, où il retrouve une dernière fois Gabriele Münter, Kandinsky épouse Nina Andreievskaïa, le 11 février 1917. Il s’abrite des révolutions de février et d’octobre à Akhtyrka, dans la datcha des Abrikosoff, ses cousins, où il peint à nouveau des pochades réalistes (l’étang, l’église).
À l’invitation de Vladimir Tatline, il rejoint durant l’été 1918 la branche moscovite de l’izo (section des Arts plastiques) du Narkompros (commissariat du peuple pour l’Éducation), lequel fait paraître à la fin de l’année Tekst Khudožnika, traduction russe de Regards sur le passé, que Kandinsky illustre de quelques aquarelles récentes, comme Simple (1916). L’inclusion a posteriori en français de cette magnifique aquarelle dans l’inventaire domestique tenu par Kandinsky suggère une réinterprétation tardive. Dans le magazine de l’IZO, Iskusstvo, Kandinsky publie le 22 février 1919 une note « futuriste », jugée décadente même par les constructivistes qui noyautent les Svomas (ateliers) : « La ligne se courbe, se casse, court dans toutes les directions et peut se transformer. Aucun outil ne va aussi vite qu’elle. Nous sommes dans un âge dans lequel un moyen d’expression d’un infini pouvoir atteint la perfection. » Dans sa rétrospective personnelle organisée à Moscou en octobre 1920 dans le cadre de la XIXe Exposition d’État, Kandinsky dispose, sous ses grandes toiles récentes (1918-1920), un ensemble de dessins échevelés. Sa subjectivité s’y manifeste ouvertement, en opposition à l’objectivité d’Alexandre Rodtchenko, qui lui dispute alors la direction de son propre groupe de travail.
La carrière de Kandinsky bascule en 1921, quand il décide de regagner Berlin. En quittant l’URSS, il devient un apatride, spolié d’une partie de sa production artistique et sans espoir de revenir un jour se ressourcer dans son Moscou mythique. Il ne montrera plus aucun dessin de cette période pour ne point être taxé de bolchevisme.
La parution des catalogues raisonnés de Kandinsky, commencée par Hans K. Roethel et achevée par Vivian Endicott Barnett, met en évidence l’importance et la qualité du fonds des aquarelles et dessins des années 1914-1917 entrés au Centre Pompidou en 1981 avec le legs de Nina Kandinsky. Grâce au don de la Société Kandinsky, ce noyau est complété par les quatre rares œuvres sur papier de l’ancienne collection d’Alexandre Kojève. Ce fils d’un demi-frère de Kandinsky, s’il fut surtout connu par la suite pour son enseignement de la philosophie hégélienne à l’École pratique des hautes études, a été redécouvert comme un des témoins du séjour parisien de Kandinsky et comme l’auteur d’un essai fondamental, Les Peintures concrètes de Kandinsky (1936).
Christian Derouet
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008