Mickey Mouse

La question du décoratif, que Wim Delvoye aborde sur le mode de l’ironie et de la provocation, constitue l’un des fondements de son parcours. Opposant industrie et artisanat, culture savante et culture populaire, il détourne les objets de leur fonction ordinaire par un jeu d’associations entre des éléments incompatibles. Aussi parle-t-il d’« émulsions » au sujet de ces rapprochements forcés : cages de but de football en vitrail, bétonnières en bois tropical finement sculpté, sols marquetés de tranches de charcuterie, machines sophistiquées reproduisant le processus de la digestion humaine ( Cloaca )… L’histoire des peaux de cochon tatouées commence en 1994. L’incongruité du procédé, orchestré par l’artiste avec l’aide nécessaire d’une équipe qualifiée, trouve son apothéose en 1997 avec l’irruption, dans des lieux dévolus à l’art contemporain, de véritables animaux arborant une imagerie populaire. Avec les peaux de cochon tatouées et tannées, tel Mickey Mouse , présentées à la verticale, c’est bien de peinture qu’il s’agit. Le caractère hautement élaboré des tatouages, leur iconographie très riche, toujours dans l’hybridation des registres – ici, entre autres, une beauté aux seins offerts, la tête de Mickey, des vagues à la Hokusaï et autres motifs de flammes, de fleurs et de chaînes de moto… –, en font des objets de contemplation qui dépassent l’immédiateté de la disjonction qu’opérait la présentation des animaux vivants. C’est aussi à toute une tradition de l’écriture que ces peaux renvoient : tels des parchemins, elles sont le lieu du geste structurant la pensée. Enfin, les peaux, dans leur splendeur et leur dérision, dans la figure de l’écorché qu’elles convoquent, sont aussi la projection de notre devenir-poussière.

Sophie Duplaix

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007