Maquette pour une "Lithographie de feu"

Enthousiasmé par l’œuvre d’Yves Klein, qu’il rencontre en 1957, Aubertin, dès la fin des années 1950, cherche à sortir des limites du tableau : « Les concepts classiques de l’art avec leurs déprimantes inhibitions ne satisfont plus l’artiste d’aujourd’hui. La prison s’ouvre ». Résolument opposé à la peinture gestuelle, Aubertin commence par peindre exclusivement des monochromes rouges. Le rouge, la couleur de la vie, l’amène logiquement, après les « tableaux-clous », à travailler avec le feu – élément hautement symbolique de la création. Ainsi, les formes produites par le hasard seront-elles simultanément toujours nouvelles et toujours éphémères : autrement dit, selon l’artiste, au plus proche de la réalité. À partir de 1961, Aubertin participe à de nombreuses expositions avec le groupe Z ero (en Allemagne, en Hollande…), qui a remarqué ses disques de feu tournant. Quant à cette œuvre précise, éditée au moment de son exposition au Centre national d’art contemporain à Paris, en 1972, elle a servi d’exemple et de mode d’emploi le soir du vernissage : sur un fond d’un rouge incandescent sont collées deux rangées d’allumettes avec les recommandations « allumez, soufflez », écrites à la main par l’artiste. Ici, le feu mis aux allumettes les a légèrement brûlées : elles en conservent une marque subtile de noir et de gris cendré. Il est évident que chaque intervenant a laissé une trace différente, ce qui a eu pour résultat de rendre le multiple unique et de réconcilier subjectivité de l’artiste et objectivité de la nature.

Claude Schweisguth

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007