Le Christ aux prisonniers

Élève à l’École des Beaux-Arts (1930-1932), dans l’atelier de Lucien Simon, Georges Rohner participe notamment à la première exposition du groupe des Forces nouvelles, aux côtés de Robert Humblot, Henri Jannot, Jean Lasne, Alfred Pellan et Tal-Coat, organisée en 1935 à la galerie Billiet-Worms par Henri Héraut. En 1940, il est mobilisé et interné à Trèves, au stalag xii d , dont il décore la chapelle. Le seul élément conservé, Le Christ aux prisonniers , exécuté en 1941, devait orner l’une des portes d’une armoire (porte gauche) où l’aumônier rangeait les objets du culte. Ce panneau est abandonné par le peintre en 1942, au moment de sa libération lorsqu’il rejoint Paris. Rapporté en 1945 par un prisonnier resté anonyme à l’aumônier général des prisonniers, l’abbé Rhodain, il est restitué à Rohner. La seconde porte (Cabanne, op. cit. , p. 91), représentant des prisonniers, n’a jamais été retrouvée. Présenté en 1946 dans sa deuxième exposition personnelle (cat. n o 4), galerie Barriero à Paris, ce tableau figure la même année à Paris dans l’exposition « Salon des Artistes libérés », galerie de Sèvres, ainsi qu’à la galerie Charpentier sur le thème « La vie silencieuse ». Exposé à nouveau en 1956 et en 1957 à Paris (« Rohner, compositions », galerie Framont, puis « Les Peintres témoins de leur temps », musée Galliera), il faut attendre la première rétrospective de l’œuvre du peintre au Musée des Beaux-Arts de Quimper en 1987 (cat. n o 15), pour le voir à nouveau présenté, puis en 2000 à la galerie Framont (cat. n o 2). Le Christ, dont le corps longiligne est accentué par le format du panneau et par le traitement fluide de sa robe, se détache, lumineux et diaphane, sur un fond sombre, telle une apparition. La perte du second panneau, complétant la composition, donne à cette œuvre un caractère particulièrement étrange et émouvant, comme si le geste du Christ à l’attention des prisonniers demeurait mystérieux, suspendu et figé. Ce tableau, publié dès 1946 (M. Florisoone, « Les expositions », Arts , n o 63, 12 avril 1946 ; puis Waldemar George, Résistance , 14 novembre 1946 ; également reproduit et cité de façon anonyme dans plusieurs catalogues et dictionnaires jusqu’en 1986), est resté en possession de l’artiste toute sa vie, et n’est entré dans les collections que récemment (avec Autoportrait , 1942, AM 2003-356), complétant la connaissance de son œuvre.

Camille Morando

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007