Totenmaske (Gottfried von Schadow) (Masque mortuaire (Gottfried von Sc…
1978
Totenmaske (Gottfried von Schadow)
(Masque mortuaire (Gottfried von Schadow))
1978
Domaine | Dessin |
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Technique | Huile et encre de Chine sur épreuve gélatino-argentique |
Dimensions | 60,2 x 45,8 cm |
Acquisition | Achat, 1984 |
N° d'inventaire | AM 1984-394 |
Informations détaillées
Artiste |
Arnulf Rainer
(1929, Autriche) |
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Titre principal | Totenmaske (Gottfried von Schadow) (Masque mortuaire (Gottfried von Schadow)) |
Date de création | 1978 |
Domaine | Dessin |
Technique | Huile et encre de Chine sur épreuve gélatino-argentique |
Dimensions | 60,2 x 45,8 cm |
Inscriptions | Signé en bas à gauche, titré en bas à droite au crayon : A.Rainer / SCHADOW Non daté |
Acquisition | Achat, 1984 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1984-394 |
Analyse
En 1955, Arnulf Rainer recouvre un autoportrait de peinture et l’intitule Représentation de l’artiste par lui-même en tant que mort. En 1973, dans Müde Pose, c’est une photographie de lui-même, dénudé et languissant à terre, qu’il « voile » littéralement d’un lavis d’encre, dont le dessin évoque une couronne d’épines – allusion à l’iconographie d’une Déposition christique. Le processus du recouvrement, désormais déterminant dans l’œuvre de Rainer – au cours de ces années 1970, les peintures et dessins sur photographies vont y prendre une place prépondérante – procède bien chez lui d’une attitude de mélancolie. À partir de 1977, Rainer entame de fait la série des Masques mortuaires, inspirés de l’ouvrage qu’Ernst Benkard consacra en 1926 à ce sujet, Das Ewige Antlitz, et qui connut de nombreuses rééditions. Confronté dans les années 1920 aux planches de ce recueil, l’écrivain Elias Canetti y relevait une incroyable diversité des êtres – rendue plus grande encore au moment de leur mort. Cinquante ans après, face aux mêmes clichés, c’est bien davantage une volonté de révolte qui s’exprime chez Rainer : révolte contre le culte des morts illustres, dont la tradition du dernier portrait, moulé sur nature, est à ses yeux l’incarnation la plus morbide, révolte encore face au mensonge de l’art vériste du moulage et à la bêtise froide du document photographique qui figent une expression pour l’éternité.
Reprenant les planches du recueil ou réalisant lui-même par la suite ses propres reproductions, Rainer entreprend ce qu’il a lui-même parfois qualifié « d’exercices d’extermination de la part d’un peintre qui fait de la peinture pour quitter la peinture. […] Dans mes masques mortuaires, les principes qui m’ont servi et guidé dans mon œuvre se retrouvent directement et indirectement : l’effacement, le détournement, le fait de toucher aux tabous, l’arrogance clownesque, le quasi-sacré, l’éloignement, la curiosité de la mort, la gymnastique du trépas ». Le recouvrement de peinture sur le cliché photographique – l’Übermahlung – est l’instrument principal de cette opération. En recouvrant, la peinture brouille et déforme les traits du modèle, parfois jusqu’au grotesque de la caricature, voire à l’informe ou à l’effacement quasi complet. Geste ambivalent qui, dans un même temps, masque et démasque la figure, non pas en révélant une vérité cachée de l’être, mais bien davantage en substituant un système de représentation à un autre – certes moins immédiatement ressemblant mais tout aussi authentique. Libérant l’image d’une mimesis trompeuse, Rainer en dégage une vigueur spirituelle, une énergie insoupçonnée. Le geste graphique, pérennisé par le mélange d’encre et d’huile inégalement fluide et épais, impose sa puissance matérielle : il devient véritablement le linceul de la représentation photographique ; recouvrant le masque, il le soustrait au regard tout en en révélant une morphologie, une masse et une force nouvelles.
Quentin Bajac
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008