L'étrange cas de Monsieur K.
1934
L'étrange cas de Monsieur K.
1934
Domaine | Dessin |
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Technique | Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier |
Dimensions | 51 x 66 cm |
Acquisition | Don de Mme Jacqueline Victor Brauner, 1974 |
N° d'inventaire | AM 1974-42 |
Informations détaillées
Artiste |
Victor Brauner
(1903, Royaume de Roumanie - 1966, France) |
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Titre principal | L'étrange cas de Monsieur K. |
Date de création | 1934 |
Domaine | Dessin |
Technique | Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier |
Dimensions | 51 x 66 cm |
Inscriptions | Daté en bas à gauche : 16 Avril 1934. Non signé |
Acquisition | Don de Mme Jacqueline Victor Brauner, 1974 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1974-42 |
Analyse
Héritier d’une grande tradition graphique, Victor Brauner n’a cessé d’en appeler classiquement à l’exercice du dessin pour élaborer les thèmes iconographiques de son œuvre peint : tels des essais de langage – du premier jet exécuté à la plume, d’inspiration onirique, jusqu’à la mise au carreau –, motifs et compositions se mettent en place par l’esquisse et l’étude. Son deuxième séjour à Paris, de 1930 à 1935, au cours duquel il fréquente les artistes roumains (Constantin Brancusi, Jacques Hérold et Benjamin Fondane) et, surtout, grâce à son voisin Tanguy, rencontre à l’automne 1933 Breton, qui l’invite à rejoindre le groupe surréaliste, apporte une impulsion décisive à sa production de dessins et de peintures, et l’affirme dans la voie d’une mythologie personnelle. Aux injonctions surréalistes, Brauner ajoute la voix d’un humour féroce, noir, et le témoignage fort de ses engagements politiques, qui lui valent une première exposition personnelle à Paris, en décembre 1934, à la galerie Pierre [Loeb], avec un catalogue préfacé par Breton. Le thème privilégié est celui de « M. K. », avatar de l’Ubu roi d’Alfred Jarry, emblème caricatural du pouvoir politique, potentat cannibale dont il décline, en ces temps de fascismes montants, les postures et métamorphoses grotesques dans huit toiles de 1934 (comme Force de concentration de Monsieur K., MNAM ; L’Étrange Cas de Monsieur K., musée d’Art moderne de Saint-Étienne). Le dessin homonyme exécuté le 16 avril 1934 en propose deux images de profil, assorties de figurines annexes légendées. La pratique graphique de Brauner est onirique, associant sans hiérarchie sur la même feuille dessins hâtifs et bribes d’écritures, dénotant son goût pour la charade et les énigmes. Côtoyant les silhouettes sommaires de « madame la terreur » et du « chien-loup » (motifs alors récurrents de son œuvre), la figure de M. K., d’un rose poupon, s’argumente de « l’énigmatique sens des chiffres » (chaque chiffre de 1 à 9 renvoyant à un mot). Tel un rébus, le personnage ridicule de K. est ainsi défini : « 1934 = flic-hydrocephal-bot encule bonne sœur-militaire ».
L’univers fantasmagorique des morphologies de M. K. laisse place occasionnellement au portrait-charge en 1934, avec la petite peinture Hitler, présage menaçant des années de barbarie et, en 1935, alors que, faute de ressources, Brauner rentre à Bucarest, l’aquarelle Sans titre, qui est un portrait présumé du maréchal Hindenburg. La présence de la signature « Ve.Ber », pseudonyme usité dans ses caricatures politiques publiées dans les revues de gauche, le plus souvent censurées par le pouvoir roumain engagé aux côtés du fascisme, signale la portée contestataire, violente, de cette très prémonitoire image. Hindenburg (qui avait nommé Hitler en 1933 au poste de chancelier de l’Allemagne) y fait figure de dignitaire grotesque et ventru bardé de décorations et de croix gammées, piétinant sans vergogne un charnier écrasé par une immense croix gammée, motif omniprésent dans l’œuvre du peintre dans les années 1930. Selon Didier Semin, l’image inversée de la croix gammée serait celle donnée par un miroir, ce « miroir que Victor Brauner tend à son époque », dix années après le photomontage de John Heartfield sur la même figure. Comme dans les dessins de 1934-1935, cette aquarelle, déchirée en plusieurs endroits, fait appel aux désormais poncifs de l’imagerie surréaliste, divulguée alors notamment par Tanguy et par Dalí : lignes de perspective dessinées au sol, cadrage plongeant, atmosphère solaire, déformations métamorphiques de certains éléments. Sa convention formelle ajoute encore à la force du portrait. En août 1941, en marge d’une page de son journal, Brauner dessinera deux portraits se faisant face, vraisemblablement ceux de Hitler et de Hindenburg.
Camille Morando
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliographie
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Victor Brauner, un surréaliste européen : Chambéry, Musée des Beaux-Arts, 12 octobre 2007-14 janvier 2008. - Clermont-Ferrand, Un, Deux, ... Quatre Editions, 2007 (cit. p. 73, reprod. p. 31) . N° isbn 978-2-35145-064-2
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Collection Art graphique : [Catalogue de] La collection du Centre Pompidou, Musée national d''art moderne - Centre de création industrielle. - Paris : éd. Centre Pompidou, 2008 (sous la dir. d''Agnès de la Beaumelle) (cit. et reprod. coul. p. 194-195) . N° isbn 978-2-84426-371-1
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Chefs-d''oeuvre ? : Metz, Centre Pompidou-Metz, 12 mai 2010-29 août 2011. - Metz : éd. du Centre Pompidou-Metz, 2010 (sous la dir. de Laurent Le Bon) (cit. et reprod. coul. p. 138) . N° isbn 978-2-35983-004-0
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Victor Brauner. Je suis le rêve. Je suis l''inspiration : Paris, musée d''Art moderne de Paris, 18 septembre 2020-10 janvier 2021. - Paris : Paris Musées, 2020 (sous le commissariat de Jeanne Brun, Sophie Krebs et Camille Morando) (cat. n° 48 reprod. coul. p. 123) . N° isbn 978-2-7596-0477-7
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