L.H.O.O.Q.
1930
L.H.O.O.Q.
1930
Domaine | Dessin |
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Technique | Mine graphite sur héliogravure |
Dimensions | 61,5 x 49,5 cm |
Acquisition | Mode d'acquisition inconnu |
Informations détaillées
Artiste |
Marcel Duchamp
(1887, France - 1968, France) |
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Titre principal | L.H.O.O.Q. |
Autre titre | La Joconde |
Date de création | 1930 |
Domaine | Dessin |
Description | Ready-made rectifié |
Technique | Mine graphite sur héliogravure |
Dimensions | 61,5 x 49,5 cm |
Inscriptions | Titré en bas au centre : L.H.O.O.Q. Signé et daté en bas à droite : Marcel Duchamp (réplique / 1930) |
Acquisition | Mode d'acquisition inconnu |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
Analyse
Par quelle pulsion « jocondoclastique », sur un portrait reproduit de La Joconde de Léonard, Marcel Duchamp en 1919 a-t-il ajouté une moustache, un bouc et un titre prometteur, L.H.O.O.Q. (« elle a chaud au cul ») ? Se souvient-il des audaces des Incohérents et d’Alphred Ko-S’Inn-Hus, inventeur de Le Vénus demi-lot ou le Mari de la Vénus de Milo (1886) ? De la première Joconde « assistée » de Sapeck, qui avait « laissé dans la bouche de cette femme idéale une pipe culottée » (1887) ? D’une réclame montrant une femme à barbe pour vanter les bienfaits d’un épilatoire – Le Rire, nº 392, 6 août 1910, où lui-même livre un dessin humoristique : « La critique est aisée, la raie difficile » ? Se souvient-il surtout du vol par Vincenzo Perrugia, en 1911, du célèbre tableau, retrouvé en 1913 et bientôt ramené au musée du Louvre ? Et encore d’autres Jocondes moustachues (pré-duchampiennes) : Le Gardien du Louvre par Lucien Métivet, reflet d’un poilu dans le portrait immortel (Le Rire, nº 355, 20 nov. 1909) ; le portrait de M. Dujardin-Beaumetz, signé Léonard de Capy (Fantasio, nº 131, 1er janv. 1912) ; Le Capitaine Lux (Le Rire, nº 472, fév. 1912) ; Le Ministère des Joconds (les ministres Doumergue, Monis, Caillaux, dans Fantasio, nº 179, 1er janv. 1914) ? Le comble de la masculinisation étant atteint en 1918 avec « Le Jocond », carte postale en couleurs représentant Guillaume II. Le ready-made rectifié que Duchamp réalise en 1919 – une carte postale simplement crayonnée – garde, lui, toute sa féminité : affublée des cinq lettres, L, H, O, O, Q, qu’il faut dire tout haut – jeu phonétique cher à Duchamp –, l’œuvre engage sans nul doute à la licence frénétique des « années folles ». Picabia (que Duchamp retrouve à Paris durant l’été 1919) en affiche le programme dans sa grande œuvre Le Double Monde/LHOOQ, 1919 (MNAM), tout en produisant une peinture-manifeste de l’iconoclasme dada. Mais Duchamp introduit avec ce simple ready-made une autre préoccupation : celle – après que Freud a révélé dans Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci la dualité du peintre – de l’homosexualité latente : lui-même, après s’être rasé ( Tonsure de Marcel Duchamp de Man Ray, 1919), se travestit en femme et prend l’identité trouble de Rose Sélavy, nom propice aux calembours.
Marc Décimo
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008