Prière de marcher

Yoshihara Jirô met en place dans le Japon de l’après-guerre une association artistique qui présente les nouvelles tendances durant son salon annuel. Shôzô Shimamoto fait partie de ces jeunes artistes prometteurs et c’est d’ailleurs sur sa proposition que, en 1954, le groupe formé autour de l’aîné Yoshihara Jirô est baptisé « Gutai bijutsu kyôkai » [« Association de l’art concret »] ou, plus simplement, Gutai [« concret »]. Ces artistes revendiquent la création d’œuvres qui ne se limitent plus aux modes de représentation et d’expression traditionnels. Lors de la « Première Exposition d’art Gutai » à Tokyo, en octobre 1955, Shôzô Shimamoto présente une Œuvre à marcher dessus , un espace à découvrir physiquement puisque ses planches en bois montées sur ressorts s’affaissent lorsqu’on les parcourt. Lors de la seconde « Exposition Gutai en plein air » dans le parc d’Ashiya, en juillet 1956, l’artiste expose une œuvre à parcourir ou à traverser, de configuration différente mais réalisée dans un esprit similaire. La reconstitution du Mnam, intitulée Prière de marcher , provient d’une version de 1958 proche de cette dernière. Dans tous les cas, Shôzô Shimamoto s’éloigne du principe de l’œuvre à apprécier simplement visuellement pour la rendre interactive. En effet, le spectateur doit avant tout expérimenter physiquement un dispositif réservant des imprévus : ses pas rencontrent des creux insoupçonnés, son corps trébuche ou demeure bloqué, conférant à l’ensemble « l’impression […] d’une étrange incertitude ». Prière de marcher en appelle à l’expérimentation, de manière à faire percevoir « l’acte de la marche ».

Fanny Drugeon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007