Rideau de scène du ballet "Parade"
1917
Rideau de scène du ballet "Parade"
1917
Domaine | Peinture |
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Technique | Peinture à la colle sur toile |
Dimensions | 1050 x 1640 cm |
Acquisition | Achat, 1955 |
N° d'inventaire | AM 3365 P |
Informations détaillées
Artiste |
Pablo Picasso
(1881, Espagne - 1973, France) |
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Titre principal | Rideau de scène du ballet "Parade" |
Date de création | 1917 |
Domaine | Peinture |
Description | Le Ballet "Parade", sur un thème de Jean Cocteau, musique d'Erik Satie, chorégraphie de Leonide Massine, rideau de scènes, décors et costumes de Picasso, est créé à Paris le 18 mai 1917 au Théâtre du Châtelet, monté par Serge de Diaghilev pour les Ballets russes |
Technique | Peinture à la colle sur toile |
Dimensions | 1050 x 1640 cm |
Acquisition | Achat, 1955 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 3365 P |
Analyse
« Ceux qui ont vu Picasso dans l’atelier des Buttes-Chaumont peindre seul le rideau qui représente une halte de funambules en demeurent émerveillés. Il se promenait sur l’immense toile, faisant fleurir sous sa brosse des figures géantes, fraîches comme des bouquets », écrit Jean Cocteau dans L’Excelsior daté du 18 mai 1917, le jour même de la première représentation de Parade au théâtre du Châtelet à Paris, devant une salle houleuse.
L’histoire de cette extraordinaire entreprise – qui associa Cocteau pour l’argument, Satie pour la musique, Diaghilev et Massine pour la chorégraphie, et Picasso pour des décors et des « costumes » qui causèrent à eux seuls une partie du scandale – est bien connue. Celle de l’immense rideau de scène (10,50 x 16,40 m) n’est pas aussi simple que la version qu’en donne Cocteau. La grande composition figurative (cat. rais. 1, II**, n o 961) peinte par Picasso (aidé de quatre acolytes, tout de même) choqua dès l’abord à un double titre : elle tranchait singulièrement avec la production cubiste de Picasso, elle tranchait aussi avec l’atmosphère voulue par Cocteau, et avec le dispositif scénique (y compris les mannequins des Managers imposés par Picasso lui-même). Loin de guider le spectateur, le rideau jouait en effet sur un effet supplémentaire de désorientation.
C’est justement cette recherche de contraste, de dissonance qui animait Picasso, et qui lui fit retenir, vers le milieu de son séjour italien de mars-avril 1917 (l’hypothèse est avancée de manière convaincante par Werner Spies, « Parade : La démonstration antinomique. Picasso aux prises avec le “Scene popolari di Napoli” d’Achille Vianelli », Il se rendit en Italie. Études offertes à André Chastel , Rome, Edizioni dell’Elefante / Paris, Flammarion, 1987), précisément lors de sa visite à Naples, fin mars, quelques documents en apparence insignifiants : des reproductions de scènes populaires croquées par Achille Vianelli. Celle qui s’intitule Taverna inspira de fait le groupement des sept figures sur la droite du rideau, ainsi que l’ouverture sur le paysage du fond. Simple point de départ, mais c’est à partir de ce motif quasiment dérisoire que l’imagination visuelle de Picasso s’ébranle et se déploie. Deux ou trois esquisses lui suffisent ensuite pour mettre en place, autour du thème de la commedia dell’arte qui lui était déjà familier, à droite le groupe des acteurs dominé par la figure d’Arlequin, à gauche le motif poétique d’un grand cheval ailé supportant une écuyère elle aussi pourvue de petites ailes, et s’apprêtant à rejoindre un singe sur une échelle. Les grands rideaux rouges de part et d’autre creusent l’espace de ce théâtre dans le théâtre, et emmènent le regard du spectateur vers les lointains bleutés d’un paysage de fantaisie.
L’élégance et la douceur des couleurs, l’aspect gracieusement féérique de la scène, la saveur populaire de l’iconographie réinventée par Picasso, autant à partir d’autocitations (les familles de saltimbanques de sa période rose), qu’à partir de ses plus récentes découvertes napolitaines, et encore enrichie par un hommage sensible à son vieil ami le Douanier Rousseau, impriment au grand rideau une poésie et une fraicheur encore très présentes aujourd’hui. Démonstration de virtuosité – jamais encore Picasso n’avait travaillé à cette échelle – le rideau de Parade se regarde aussi comme une scène intemporelle, en contrepoint de ce qui va suivre, l’irruption d’une musique et d’une chorégraphie résolument modernes.
Isabelle Monod-Fontaine
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007