La Douche
1961
La Douche
1961
Une douche appliquée sur l’image d’un torrent en change le cours.
À la différence du tableau peint, l’objet de « salle de bain » n’est pas représenté mais présenté. Pour Daniel Spoerri, le trompe-l’oeil fait place au « détrompe-l’oeil ». L’élément en relief n’est plus une illusion mais une réalité tangible qui empêche ici toute contemplation de l’oeuvre peinte. Avec ces deux objets chinés, l’artiste associe le cours d’eau à son utilisation domestique, celle de pourvoyeur d’eau pour les intérieurs modernes. Par ce calembour visuel, il invite à adopter un regard ironique, déroutant et désillusionné sur le monde moderne.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile, robinetterie, tuyau, pomme de douche sur bois |
Dimensions | 70,2 x 96,8 x 18,5 cm |
Acquisition | Achat, 1991 |
N° d'inventaire | AM 1991-267 |
Informations détaillées
Artiste |
Daniel Spoerri
(1930, Royaume de Roumanie - 2024, Autriche) |
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Titre principal | La Douche |
Titre de la série | Détrompe-l'oeil |
Date de création | 1961 |
Domaine | Peinture |
Description | Assemblage d'un robinet et d'un tuyau de douche fixés sur une peinture représentant un paysage alpin signé Morny |
Technique | Huile sur toile, robinetterie, tuyau, pomme de douche sur bois |
Dimensions | 70,2 x 96,8 x 18,5 cm |
Inscriptions | S.D.T. au revers : Daniel Spoerri / 1961 / " Détrompe l'oeil" / " La Douche " / Paris / 23 rue Mouffetard |
Acquisition | Achat, 1991 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Contemporain |
N° d'inventaire | AM 1991-267 |
Analyse
Selon la définition du dictionnaire, un trompe-l’œil est une « peinture visant essentiellement à créer, par des artifices de perspective, l’illusion d’objets réels en relief ». Chez Spoerri, le « détrompe-l’œil » prend le contre-pied du trompe-l’œil, puisqu’il confronte une représentation idéalisée du monde (portrait, paysage, scène de genre…), telle que la peinture académique en a produit, à des objets réels qui viennent la contredire. Ici, un paysage alpin où coule une rivière est associé à son utilisation moderne, celle de pourvoyeur d’eau pour les salles de bains d’aujourd’hui. Le regardeur est arraché à la contemplation de la magnificence du paysage naturel pour être ramené à la triste réalité : l’usage de l’eau par le citadin, « c’est un robinet, c’est une douche, c’est une baignoire ». Opérant à son tour le « détournement » de tableaux de marchés aux puces (déjà pratiqué au cours des années 1950 par Asger Jorn et Enrico Baj), Daniel Spoerri lui donne un sens nouveau. Au-delà du calembour visuel (qu’il réutilisera en 1964-1966 en collaboration avec Robert Filliou dans sa série « Pièges à mots », confiant à des assemblages d’objets le soin de prendre dictons et proverbes au pied de la lettre), les « détrompe-l’œil » se caractérisent à la fois par un regard désillusionné sur le monde idéalisé d’autrefois et par une nostalgie sentimentale pour ce passé. En ce sens, Spoerri fait ici autant œuvre de moraliste que d’artiste et nous incite, à notre tour, à jeter sur le monde un regard débarrassé de toutes les œillères idéologiques pour le saisir dans sa vérité inattendue.
Jean-Paul Ameline
Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007