Construction pour scène plastique et gymnastique

Surnommée par les historiens la « messagère » ou même l’« entremetteuse » de l’avant-garde russe, Alexandra Exter, grâce à des séjours réguliers en France et à l’amitié d’Apollinaire, pénètre le milieu cubiste parisien et transmet à ses amis russes, dont les frères Bourliouk, la révélation du cubisme analytique. En étroite relation avec les futuristes italiens, elle stimule l’élaboration de la synthèse cubo-futuriste russe dans la peinture et, surtout, dans la création théâtrale. En collaborant avec Taïrov, puis avec Meyerhold, elle contribue à la fondation du constructivisme. En 1920, à Moscou, elle prend une part active aux débats animés par Rodtchenko autour des termes de « construction » et de « composition », et proclame avec lui la « fin de la peinture de chevalet », pour se consacrer au productivisme. Auteur de la scénographie de Roméo et Juliette, mis en scène par Taïrov au Kamerny Teatr de Moscou en 1921, elle choisit de construire un espace en hauteur, avec une multitude de plateformes reliées par des ponts et des escaliers. À partir de 1922, avec Meyerhold, elle renforce l’intervention d’éléments mécaniques au théâtre, expérience qui l’oriente vers le cinéma. En 1924, pour Aélita, film de Protozanov, Exter réalise des décors et des costumes avec des matériaux résolument modernes, tels le plexiglas et le métal, adaptés à des formes géométriques, transparentes et dynamiques, qui rappellent les premières sculptures cinétiques de Gabo (1920).

Cette Construction pour scène plastique et gymnastique de 1923, projet (peut-être retravaillé en 1926) proche d’une autre étude préparatoire pour la mise en scène d’une revue sportive jamais réalisée (1922-1923), est exemplaire des expériences constructivistes d’Alexandra Exter : des mannequins-gymnastes standardisés escaladent une structure architecturale futuriste, sorte d’échafaudage aérien dominé par un ventilateur gigantesque, autour duquel rayonnent en tous sens des câbles métalliques.

Installée définitivement à Paris, l’artiste est une des vedettes du Pavillon soviétique de l’Exposition des Arts décoratifs en 1925. Fernand Léger, avec qui elle a en commun les recherches sur les mouvements mécaniques et sur l’introduction d’automates au cinéma, l’invite à donner des cours d’art théâtral et de dessin de décors dans les ateliers libres qu’il a créés sous le nom d’Académie moderne.

Macha Daniel

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008