Cinéma / Vidéo
Images du monde et inscription de la guerre
08 déc. 2017
L'événement est terminé
Harun Farocki, Images du monde et inscription de la guerre (Bilder der Welt und Inschrift des Krieges), RFA, 1988, DCP (format d’origine : 16 mm), 75’, nb et coul., vostf
Le centre névralgique de cet essai est une triste révélation faite par Harun Harocki : en 1944, peu avant la fin de la guerre, alors que le monde ignorait l’existence des camps de concentration, une photo aérienne du camp d’Auschwitz est prise par les forces militaires américaines. Obnubilés par leur mission qui consistait à localiser des usines de production d’armes pour les bombarder, les Américains ne voient pas les longues rangées de personnes attendant la mort, pourtant perceptibles. Farocki questionne alors l’image et la violence que la prise de vue, parfois trop automatisée, peut provoquer.
« Il faut être aussi méfiant envers les images qu’envers les mots. Images et mots sont tissés dans des discours, des réseaux de significations. […] Ma voie, c’est d’aller à la recherche d’un sens enseveli, de déblayer les décombres qui obstruent les images » Harun Farocki cité dans Christa Blümlinger, Reconnaître & Poursuivre, nouvelle éd. TH.TY., en coéd. avec le Centre Pompidou, 2017
Harun Farocki, En sursis (Aufschub), Allemagne, 2007, DCP (format d’origine : Beta num), 40’, nb, muet avec intertitres français
Dans un exercice qui lui est cher, Farocki se réapproprie des images d’archives préexistantes. Celles-ci ont une consonance particulière puisqu’elles montrent des images du camp de transit nazi de Westerbork (Pays-Bas) qui ont initialement été tournées par un prisonnier juif en 1944, sous les ordres d’un SS voulant montrer le bon traitement des prisonniers. Ces images détonnent avec l’inconscient collectif que dégagent, à juste titre, les camps de concentration : temps de travail, de repos ou encore de loisirs. Farocki, lui, vient contrer ce message de propagande. Par l’ajout d’intertitres, d’arrêts sur images ou encore de répétitions et d’éléments factuels, Farocki rétablit la vérité, dure mais essentielle.
« Seul le savoir sur l’événement et sur le contexte de l’enregistrement permet de restituer à ces images leur violence cachée, de prendre la mesure de leur hors-champ. », Sylvie Lindeperg, « vies en sursis, images revenantes. Sur Respite de Harun Farocki », Trafic, n°70, p.25
« C’est ainsi que le montage de Farocki nous donne à voir, à savoir et à imaginer encore la réalité profonde du camp de Westerbork. Nous voyons les prisonniers travailler si calmement à leurs établis ; il est donc nécessaire de savoir que ce travail, en dépit des apparences, est un travail forcé, un esclavage. » Georges Didi-Huberman, Remontages du temps subi, l’œil de l’histoire, 2, éd. de Minuit, 2010
Quand
20h - 22h