« Dissonant » et « Resonating Surfaces » de Manon de Boer

Depuis le milieu des années 90, Manon de Boer conçoit une œuvre filmique qui s'articule autour du temps, de la mémoire et des disjonctions provoquées entre son et image. Le moyen-métrage Resonating Surfaces (2005) fait partie d'une trilogie de films où Manon de Boer dresse le portrait de trois femmes : l'actrice Sylvia Kristel, la psychanalyste Suely Rolnik et la percussionniste Robyn Schulkowsky. Dans le second, Rolnik se remémore son exil à Paris durant la dictature brésilienne des années soixante-dix. Le film superpose le montage d’images, la voix narrative et des matières sonores composées par le musicien George van Dam. « L'image, le texte et le son sont dans ce film asynchrones et forment presque, chacun, une couche de sens autonome, » explique l'artiste. Dans une actualisation sensible du passé, Manon de Boer place l'acte de réminiscence au cœur du dispositif.

Dans Dissonant (2010), Manon de Boer filme la danseuse Cynthia Loemij en train d'exécuter une réponse de dix minutes à l’une des sonates pour violon d'Eugène Ysaÿe. D’abord immobile, elle écoute la musique pour ensuite produire sa chorégraphie en silence, d'après ses souvenirs. Au bout de quelques minutes, la fin de la pellicule 16mm interrompt l'enregistrement. Tandis que le son des mouvements de danse demeure encore audible, l'écran reste noir le temps de changer de bobine. Pendant ces moments d'interruption de l'image, le spectateur est amené, tout comme la danseuse, à solliciter sa mémoire pour reconstituer le mouvement.