Débat / Rencontre
La revue Cabinet présente « L’École de la Mort »
Parole à la critique

L'événement est terminé

Sina Najafi et Simon Chrichtley proposent cinq soirées autour du thème « L'École de la Mort »

Qui apprendrait aux hommes à mourir, leur apprendrait à vivre. — Montaigne
L’École de la mort est une institution éducative qui se consacre à l’exploration de la relation entre la mort et la vie examinée. L’école, dont le cadre pédagogique procède par définition d’un déplacement et d’un décalage, est un organisme perpétuellement itinérant. Son exploration du rapport entre la finitude, l’éthique et la vie s’effectue en tout lieu où une telle contemplation est nécessaire - c’est-à-dire partout.
Dans de nombreuses parties du globe, ce qui définit la vie humaine est une terreur absolue de l’annihilation, une peur à la fois de l’inéluctabilité de notre fin et de la perspective d’une souffrance potentiellement dénuée de sens, et de ce qui réside dans la tombe, outre ce corps enfermé dans un cercueil et changé en nourriture pour asticots.
D’un côté, nous tendons à nier la mort en nous jetant à corps perdu dans les plaisirs de l’oubli, de l’ivresse et de l’accumulation irréfléchie d’argent et de possessions matérielles. De l’autre, l’horreur de notre disparition nous mène à croire aveuglément à une rédemption magique et aux promesses d’immortalité proposées par certaines religions traditionnelles ou croyances New Age. Tout se passe comme si nous recherchions une consolation éphémère dans l’oubli momentané, ou un salut miraculeux dans l’au-delà.
L’idéal d’une mort conçue philosophiquement nous remet les pieds sur terre, et offre un contraste frappant avec notre désir aveugle d’évasion et d’échappatoire. Comme l’écrivait Cicéron : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Dans cette optique, la tâche principale de la philosophie est de nous entraîner à cultiver une attitude envers la finitude qui affronte et surmonte la terreur de l’annihilation, sans offrir de promesse de vie après la mort. C’est ainsi que nous pourrons commencer à faire face à notre peur de la mort, puisque c’est finalement elle qui nous dirige soit vers l’oubli momentané, soit vers un espoir d’immortalité. Montaigne écrivait : « Qui a appris à mourir, a désappris à servir. » Selon lui, la préparation à la mort n’était rien de moins que l’anticipation de la liberté. Chercher à échapper à la mort revient donc à rester esclave.
En parlant de la mort, et même en riant de notre fragilité et de notre mortalité, nous acceptons les limitations qui sont les conditions mêmes de la liberté humaine. Cette dernière ne constitue pas un état passif, ou la simple absence de nécessité ou de contrainte. Au contraire, il s’agit d’une activité continue qui exige l’acceptation de la nécessité et l’affirmation des contraintes toujours changeantes de notre mortalité. Ce n’est pas simple, mais les élèves de l’École de la Mort travaillent à apprendre à aimer cette difficulté.
Avec :
Corentin Chassard, Simon Critchley, Brian Dillon, Joseph Keckler, Wayne Koestenbaum, Matthew Dean Marsh, Sina Najafi, Sally O’Reilly, George Prochnik, Justin E. H. Smith, Marina Warner
Sina Najafi est rédacteur en chef du magazine Cabinet. En collaboration avec Jeffrey Kastner, il a commandé et édité les 24 essais du catalogue accompagnant l’exposition « The Encyclopedic Palace » de la Biennale de Venise 2013.
Organisée par Simon Critchley et Sina Najafi
Sur une invitation de Jean-Pierre Criqui, Service de la Parole, DDC - Centre Pompidou
A propos de Cabinet
Cabinet, organisation à but non lucratif fondée à New York en 1999, publie un magazine culturel trimestriel fondé sur la notion de « culture » la plus large possible. Cette définition, influencée par l’anthropologie contemporaine, implique l’observateur et rejette l’idée d’une critique désintéressée, invitant plutôt à une curiosité engagée envers le monde que nous avons construit et que nous habitons. C’est une approche qui, comme le fit Michel Foucault dans l’une de ses dernières interviews, met sur le même plan la curiosité et le « souci », « le soin qu’on prend de ce qui existe et pourrait exister ; [...] une promptitude à trouver étrange et singulier ce qui nous entoure ; un certain acharnement à nous défaire de nos familiarités et à regarder autrement les mêmes choses ; une ardeur à saisir ce qui se passe et ce qui passe ; une désinvolture à l’égard des hiérarchies traditionnelles entre l’important et l’essentiel. » Loin de dénoter une approche dilettante du monde, la curiosité, ainsi formulée, devient le fondement même de l’éthique, d’une compréhension plus profonde de nos cultures sociales et matérielles qui nous encourage à devenir de meilleurs gardiens du monde, tout en nous autorisant à l’imaginer autrement.
Renseignements :
Alice Pialoux : alice.pialoux@centrepompidou.fr
Pour recevoir les annonces de nos soirées :
Christine Bolron : paroleaucentre@centrepompidou.fr
Quand
À partir de 19h, tous les jours sauf mardis