Débat / Rencontre
La rage de Fassbinder
04 juin 2005
L'événement est terminé
Chez Fassbinder, on ne s'accommode pas. C'est un cinéma de la non-réconciliation où le désir vient irrévocablement buter sur la société, sans espoir ni alternative. Alors comment caractériser le rapport au politique ? Ce qui le rapproche aussi de Pasolini, autre cinéaste et contemporain capital, mais Pasolini d'emblée excède largement la seule sphère du cinéma. Serait-ce le cas aussi de Fassbinder ?
Rainer Werner Fassbinder est mort à trente-sept ans en 1982. Il aurait donc eu soixante ans en 2005. Ces dates nous installent dans une curieuse relation au temps, tout à la fois proche et lointaine. Car on sait (ou on croit savoir) l'apport décisif de Fassbinder dans les années 1970, la reconnaissance dont son oeuvre a été l'objet mais en même temps on peut admettre que ses films ont été peu vus - l'histoire de la réception de son oeuvre est presque une question en soi, une question cinéphilique, mais également une question politique et européenne. Une partie seulement a été diffusée à l'époque et aujourd'hui on a l'occasion enfin de tout voir, ou presque (Berlin Alexanderplatz, en cours de restauration, sera présenté séparément et plus tard).
Alors on reprend la biographie, l'entrelacs permanent entre la vie et la création ; on reprend la filmographie - 44 films en 17 ans -, les pièces de théâtre, l'activité critique, le travail d'acteur, les livres et on reste sidéré par une telle puissance créatrice. Fassbinder était-il le démiurge, l'ogre, l'enragé ou encore le "Balzac du cinéma allemand", l'homme qui réinventa le cinéma allemand, comme le disait Henri Langlois ? Or Fassbinder a un projet démesuré : rendre compte, avec les moyens du cinéma, de l'histoire de l'Allemagne. Histoire trouée, lacunaire au moment où il l'envisage.
Car l'amnésie a peut-être été la condition de l'installation de la démocratie et de la prospérité économique (les années Adenauer) puisque celles-ci se fondent sur un traumatisme originel et un refoulement, la guerre et le nazisme.
Fassbinder décide d'y porter le fer et cette nécessité devient cinéma. Et c'est à travers les figures de l'exclu, du marginal, de l'individu solitaire (les nouvelles classes dangereuses ?), des femmes/victimes si splendidement mises en avant et, par le moyen d'une forme, le mélodrame, que Fassbinder décline, de manière discontinue, une histoire de la société allemande, de la relation dominants / dominés (le promoteur ex-proxénète et l'humilié), une histoire de la haine de l'Autre, des années 1920 au années 1970, avec le terrorisme qui s'y rattache.
Pour ce faire, il lui faut une logistique, une machine de production (qui sera aussi une autre famille), une troupe à son service (de l'antiteater à Tango Films). Ce ne sera pas la première Factory d'Andy Warhol (mais on ne peut pas ne pas y songer), ni un cercle militant mais le noyau de la mise en oeuvre et de l'invention, un véritable champ de force. Cette conception de la production est unique à ce moment et probablement impensable aujourd'hui. Elle rend compte de la complexe circulation des thématiques et des films entre eux.
Chez Fassbinder, enfin, on ne s'accommode pas. C'est un cinéma de la non-réconciliation où le désir vient irrévocablement buter sur la société, sans espoir ni alternative. Alors comment caractériser le rapport au politique ? Ce qui le rapproche aussi de Pasolini, autre cinéaste et contemporain capital, mais Pasolini d'emblée excède largement la seule sphère du cinéma. Serait-ce le cas aussi de Fassbinder ?
Quand
14h30 - 22h30