Bernard Stiegler : Passer à l'acte

"Si tout être humain est en puissance philosophant en tant qu'il est toujours et dès l'origine inquiet de son origine, une telle puissance est dans certaines circonstances - historiques ou existentielles - capable de passages à l'acte. C'est alors que l'être philosophant en puissance deviendrait philosophe en acte.

Je me propose de parler de "ma" vocation philosophique comme d'un tel passage à l'acte. Et tel que je ne pense pas avoir personnellement une vocation philosophique particulière : je pense avoir la vocation que tout le monde a pour la philosophie. J'y suis voué comme nous tous en tant que nous sommes - ou en tant que nous devenons, et dans la mesure où nous sommes affectés par l'amour (philein), par le désir, c'est à dire par la question de l'origine.

Ainsi affectable et désaffectable, le passage à l'acte de "ma" vocation philosophique s'est fait par accident (et il y a eu une époque de ma vie, précisément jusqu'à l'âge de 26 ans, où je n'avais jamais philosophé) : je parlerai de cet accident, qui est aussi, comme accident, le fond de ma pensée, auquel j'ai donné le nom de philosophie du défaut - qu'il faut."

Directeur de l'Ircam, philosophe, docteur de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Bernard Stiegler a été directeur de recherche au Collège international de philosophie, professeur et directeur de l'unité de recherche Connaissances, Organisations et Systèmes Techniques à l'UTC (Université de Compiègne), et directeur général adjoint de l'Institut National de l'Audiovisuel. Il est l'auteur de La technique et le temps, ouvrage en cinq volumes dont trois sont parus aux éditions Galilée. Il a publié une centaine d'articles et participé à de nombreux ouvrages collectifs. Il a dirigé plusieurs programmes de recherche dans le domaine des technologies numériques appliquées au texte, à l'image et au son, et il fut le concepteur et le commissaire de l'exposition "Mémoires du futur", Centre Pompidou en 1987.