Travailleurs à Escaudain / Dans un camion rouge

Travailleurs à Escaudain est un film d’apprentissage pour Patrice Chagnard au sortir de l’année 1968. C’est un film exactement dans son époque, dans ce même mouvement du cinéma militant où l’on s’attache tout autant à donner un visage et à laisser entendre la parole de ces hommes ouvriers qui n’avaient ni visage ni parole à la télévision. Pour le jeune Patrice Chagnard, étudiant en philosophie, arrivé fraîchement de Grenoble, filmer des ouvriers dans une usine, une réalité populaire, c’est déjà un déplacement. 

Après bien des voyages, il va retrouver cette réalité populaire en s’immergeant dans une caserne de pompiers volontaires d’une petite ville près de Grenoble. Il y trouve des valeurs populaires laïques très fortes, très anciennes et la jeunesse. Il y rencontre des jeunes gens (hommes et femmes) qui affrontent des situations dramatiques, et dans un contact permanent au danger et à la mort ne cessent de l’interroger. C’est une quête initiatique. Cette fois encore le cinéaste vient filmer ceux qui ont trouvé le chemin pour accéder à une vérité.

Mais cette fois peu de paroles, Dans un camion rouge est littéralement une plongée dans l’action. Après Jérusalem, il s’agit de poursuivre l’expérience de la caméra participative, et Patrice s’engage sans distance aux côtés des pompiers. Il se confronte au risque, au danger, à la violence de l’accident, de la blessure. Le film interroge alors la jouissance de l’action, celle qu’il y a à prendre des risques, celle qui fait souhaiter d’en prendre plus. Et à travers la jouissance de ces pompiers volontaires c’est aussi celle du cinéaste qui est interrogée, celle qu’il y a à filmer jusqu’à se mettre en danger, jusqu’à dépasser la limite et perdre la bonne distance et où le réel risque de disparaître.

Patrice Chagnard et Raymond Vidonne, Travailleurs à Escaudain, 1969, 26'

Patrice Chagnard, Dans un camion rouge, 2005, 96'