Cinéma / Vidéo
Portrait of Jason
15 nov. 2008
L'événement est terminé
« A l'époque de The Cool World, je voulais que la caméra suive les acteurs, dans le prolongement de ce que j'avais entrepris dans The Connection : si un acteur bougeait, je me déplaçais avec lui et nous dansions une sorte de ballet.
Aujourd'hui, c'est une chose que je n'aime plus, [ce côté] chorégraphié. C'est de là qu'est né Portrait of Jason ».
Ancienne danseuse et chorégraphe, Shirley Clarke (1919-1997) choisit en 1967 un dispositif simple : une caméra qui ne « bouge » qu'optiquement, via des zooms, et un sujet filmé seul douze heures d'affilée, dans le studio de Clarke réarrangé pour l'occasion.
Mais une telle unité de temps, de lieu et d'action n'exclut pas toute mise en scène : car Portrait of Jason, dans une typologie du cinéma direct, exemplifie le documentaire qui laisse toute latitude à son sujet pour se mettre lui-même en scène.
Jason, homosexuel noir qui décline volontiers ses qualités de « prostitué, bonne à tout faire, majordome », est en constante représentation de lui-même. C'est ce que capte Clarke : une parole que même la fin de la bobine ne stoppe pas, le magnétophone prenant alors le relais sur fond d'écran noir.
Soucieuse de rendre palpable les ellipses effectuées de cette nuit sous influence (alcool et drogue), Clarke indique à son opérateur, en lui touchant le bras, s'il doit zoomer ou passer au flou pour ponctuer la coulée verbale ininterrompue de Jason.
En enregistrant et même en provoquant, par des indications soufflées de derrière la caméra, les rires et les pleurs de Jason Holiday, Shirley Clarke n'exploite pas un vague folklore underground. Elle rend visible le fait que Jason, petit garçon noir élevé par un père surnommé « le dur », n'a pu s'adapter qu'en se confectionnant des masques - celui de l'homosexualité et de la vénalité.
Jason Holiday est d'ailleurs né Aaron Payne : dans le choix d'un nom, il a troqué la douleur (pain) contre les vacances (holiday). Désigner la persona sociale de Jason n'équivaut pas pour la cinéaste à la déplorer mais à rapprocher, comme elle le fit dans un entretien, la condition des femmes de celle des Noirs - dans ce sens, il faut voir Portrait of Jason comme un Self-portrait of Shirley.
Shirley Clarke dans Rome Is Burning : Shirley Clarke, A Portrait, d'André S. Labarthe et Noël Burch, Cinéastes de notre temps, 1970.
Quand
À partir de 17h