Rosebud / Patrick Mauriès

« C'est un de ces gros volumes reliés de percaline bleue, aux fers dorés, dont les anglais de la fin du XIXème siècle faisaient leur ordinaire. Avec pour auteur un quasi homonyme, un certain Du Maurier. C'est un film, oublié aujourd'hui, mais qui eut son heure de gloire en 1931, au son un peu nasillard et grésillant, où l'on reconstitue, d'une manière franchement expressionniste, le Paris des rapins autour de 1880. C'est et ce n'est pas cela. Ce pourrait être une fantasmagorie singulière, un motif obsédant, une légende personnelle, trop intime pour être divulguée. Mythe secret dans lequel un personnage sombre et inquiétant aime sans être aimé, un manipulateur force avec l'énergie du désespoir la proie qu'il sait devoir lui échapper, où une diva diaphane ne se révèle et vibre que lorsqu'elle n'est plus elle-même, où le sublime d'une voix se paie d'un pas vers la mort, où l'on n'est jamais plus et mieux soi-même qu'en étant le jouet, ou l'instrument, de l'autre, où la passion se prend aux rêts de l'illusion en une admirable et somptueuse déflagration. C'est un regard blanc, exorbité, le regard de la fascination. C'est aussi, incidemment, un nom devenu commun dans la langue anglaise : svengali. »

Patrick Mauriès est le fondateur et le directeur des éditions Le Promeneur, qui fêtent en 2009 leur vingtième anniversaire et publieront à cette occasion leur 300e titre. Il dirige également la branche française des éditions Thames & Hudson. Auteur de très nombreux ouvrages sur l'art, la photographie ou la mode, il a aussi fait paraître plusieurs récits chez Gallimard, parmi lesquels Le vertige (1999) et Les fruits du hasard (2001).

Projection à 18h de "Svengali" d'Archie Mayo (1931), 81'