Cinéma / Vidéo
Unglee
Nouvelle acquisition
16 déc. 2015
L'événement est terminé
Quand il commence à réaliser des films, en 1976, alors qu’il est encore étudiant en cinéma, Unglee est déjà inventeur et fabricateur de mythes. Il est fasciné par la capacité des puissances du faux à sublimer les êtres, les rendre plus désirables et, ce faisant, révéler celles de leurs potentialités qui demandent un effort de perfectionnement, de raffinement, de mise en scène, pour éclore. Ce goût l’a conduit vers le cinéma d’Hollywood, son glamour, ses stars. Nécessité ou vertu, il a porté la puissance illusionniste du cinéma au carré en choisissant la voix « expérimentale » ou « underground », celle ouverte par des artistes comme Kenneth Anger, Jack Smith, les Kuchar ou Andy Warhol, qui consiste à reproduire en miniature les appareillages splendides de la grande machine hollywoodienne. Voyez par exemple Chérie, que veux-tu ? (1978), le premier grand opus d’Unglee, qui lui valut une sélection au festival de Cannes : l’histoire d’une rencontre amoureuse réduite à ses trois moments préliminaires, l’apprêtement de soi, le fantasme de l’autre, le dîner au restaurant. La suspension du récit avant d’en arriver au rapport entre deux êtres a-t-elle été contredite par Paris Plage (1982), deuxième grand opus et première et dernière incartade d’Unglee dans le cinéma narratif traditionnel ? Rien n’est moins sûr. Cette histoire de coup de foudre, dans laquelle le désir mutuel des protagonistes est médiatisé – et en partie raté – au moyen de Polaroids, ne cesse de tourner autour du dit rapport, fête d’une présence de et à l’aimé dont la joie est ternie par sa disparition.
Ces deux films sont assimilables à des drames, d’autres (Autoportrait en blanc et noir [1977] ; C’est fou [1977] ; Radio-Serpent [1980]) relèvent du spot publicitaire et du portrait. Ces deux fonctions sont identifiées dans l’œuvre d’Unglee. Il ne conçoit pas le portrait comme une mise à nu, bien plutôt comme la reconstruction de l’image par laquelle une personne ou un groupe de personnes (par exemples les « branchés » qui peuplent l’appartement de Benjamin Baltimore dans Radio-Serpent) se présente au monde. Ici aussi, il est question de séduction.
Le cinéma d’Unglee, en conséquence, relève d’un dandysme sans décadence, qui ne témoigne d’aucune mélancolie pour une authenticité perdue, mais de la conviction philosophique selon laquelle : « ESSE is PERCIPI *. »
Par Vincent Simon (éditeur et auteur)
* « Être c’est être perçu. » in George Berkeley, A Treatise Concerning the Principles of Human Knowledge (1710)
Séance organisée à l’occasion du récent don de l’artiste au Centre Pompidou.
En présence d’Unglee et de Vincent Simon.
C’est Fou, 1977, 16mm, coul, son 12’
Chérie, que veux-tu ?, 1978, 16mm, coul, son, 27’
Radio Serpent, 1980, 16mm coul, son, 12’
Paris Plage, 1982, 16mm, coul, son, 19’
Tulipes Aquatiques, 1992, 16mm, coul, son, 5’
Unglee s’est fait connaître à la fin des années soixante-dix par ses films expérimentaux et dans les années quatre-vingts par ses photographies de Tulipes. Dès le début des années quatre-vingt-dix il est intervenu dans les revues d’art telles que art press, Art Présence ou Technikart dans lesquelles il a publié ses Disparitions, articles nécrologiques fictifs de quotidiens dans lesquels sont racontées sa vie et la passion qu’il a toujours eue pour les tulipes. Ces travaux qui s’inscrivent au confluent du langage et des arts visuels dégagent un esprit ironique et une élégance grinçante bien qu’ils mettent en abyme sa disparition toujours répétée. Il a aussi réalisé des installations : Hommage à la pelle à neige, lors de l’inauguration de la rue Marcel-Duchamp dans le treizième arrondissement de Paris (1995) dont le film éponyme constitue une trace, A la recherche de Giulietta Fabrizzi au centre d’art contemporain de Basse- Normandie (1998), Pourquoi ? à la galerie Gisèle Linder à Bâle (2007). À partir de 1998 son travail plastique s’est prolongé dans un ensemble de pièces radiophoniques réalisées pour France-Culture : À la recherche de Giulietta Fabrizzi (1998), De Unglee à Giulietta Fabrizzi, enfin (2001), Le secret d’Aldo Mettezetti (2006), Aldo Mettezetti, un compositeur italien (2007), L’Oriental (2009). Entre 2000 et 2005 il a tourné une série de vidéos autour du thème de la déclaration d’amour qui sont des sortes de chanson sans musique : nOn (2000-2001), J’aime quand tu danses (2001- 2002), J’aime tes parfums (2001-2002), Parce que (2003), Dans le soleil (2003), Ne dors pas (2004), J’ai peur (2005), Regarde-moi (2005). En 2010, septembre éditions a reçu l’aide à l’édition du Centre National des Arts Plastiques pour l’ouvrage intitulé Unglee - Puzzle qui retrace sa vie et son œuvre d’Unglee. En 2011, sur une proposition de Christian Alandete, la galerie DIX9, rue des Filles du Calvaire à Paris, a présenté son exposition Hollywood - Las Vegas, 1987-1989. En 2012, il a bénéficié d’une aide à la recherche du Centre National des Arts Plastiques pour son projet Tulipe Bleue – Sculpture Immatérielle dont la première présentation a eu lieu au mois de mai 2015 à la galerie Please Do Not Enter down town Los Angeles.
Unglee est représenté par la galerie Christophe Gaillard à Paris.
Remerciements : Unglee, Vincent Simon
Quand
19h - 21h