Cinéma / Vidéo
On est au coton
19 nov. 2008
L'événement est terminé
Dans Pour la suite du monde de Pierre Perrault et Michel Brault, le paysan de l'Ileaux-Coudres qui vient de chanter sans discontinuer lâche à la caméra : « Chus't'au coton Perrault, chus't' au coton ! ». « Etre au coton » signifie être rendu à bout, exténué - c'est en effet une industrie textile à bout de souffle que filme Denys Arcand, et des ouvriers épuisés soit par les bas salaires qui les poussent à exercer d'autres emplois durant leur temps libre, soit par la « cotomite », qui est au textile ce que la silicose est à la mine.
Membre de l'Office national du film canadien depuis 1963, Denys Arcand obtient des moyens conséquents (100 000 dollars) pour travailler avec cinq collaborateurs pendant deux ans, de septembre 1968 à février 1970, à cette enquête fouillée sur une industrie en déclin, qui part d'une hypothèse : sans changements politiques, les progrès technologiques laisseront sur le bas-côté des milliers de travailleurs. Même si c'est là un sujet « d'Etat », On est au coton est le premier projet personnel d'Arcand, historien de formation, documentaliste puis réalisateur de courts métrages à l'ONF. En se rendant à l'usine Penman de Coaticook, menacée de fermeture, le jeune cinéaste de 29 ans découvre le monde ouvrier. Ses travellings dans une usine au bruit assourdissant, montés avec ceux, silencieux, dans ces mêmes lieux où les machines ont cessé de fonctionner, dépassent le message : ils rendent compte d'une stupéfaction.
Le jeune intellectuel est bientôt confronté à un paradoxe toujours d'actualité : non seulement les ouvriers travaillent dans des conditions très dures, mais ils sont résignés à leur sort plutôt que révoltés. Carmen Bertrand, la toute jeune ouvrière interviewée avant et après son déménagement forcé à Montréal, n'a pas seulement troqué sa coupe au carré pour une mise en plis ; dans son studio exigu, elle n'évoque pas les étapes de l'action syndicale mais ses rêves de voiture de sport et de mobilier de style espagnol.
Un tel constat frappe Arcand alors qu'il effectue un premier montage de ses rushes en cours de tournage. L'intellectuel est revenu au galop : il vient de lire L'Homme unidimensionnel d'Herbert Marcuse, dont il extrait des intertitres lapidaires sur la force de récupération du système, tapés à la machine électrique, qui claquent comme dans un générique de Jean-Luc Godard. Qu'importe cet « encadrement » du cinéma direct par le discours : en 173 minutes qui furent longtemps interdites de diffusion puis tronquées, On est au coton fait entendre en parallèle la parole des petites mains du Québec, celle d'un grand patron anglophone, et celle, singulièrement lucide, de Madeleine Parent, « piqueteuse » horspair et figure majeure du syndicalisme sous le gouvernement autoritaire de Maurice Duplessis.
Quand
À partir de 20h