Les nuits de Pascal

Chacun garde en mémoire cette image d'Archimède jaillissant de son bain en lançant son mythique "Euréka", après avoir ressenti la bienfaisante poussée de l'eau. Ou encore celle de Newton qui, voyant la pomme tomber, a l'idée que la lune et toutes les choses s'attirent en raison de leur masse.

Mais peu de gens connaissaient jusqu'ici cette merveilleuse anecdote que raconte Henri Poincaré et qui n'est pas moins éclairante : "Au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l'idée me vint, sans que rien dans mes pensées antérieures parût m'y avoir préparé, que les transformations dont j'avais fait usage pour définir les fonctions fuchsiennes étaient identiques à celles de la géométrie non euclidienne. Je ne fis pas la vérification, je n'en aurais pas eu le temps puisqu'à peine dans l'omnibus je repris la conversation commencée ; mais j'eus tout de suite une entière certitude. De retour à Caen, je vérifiai le résultat à tête reposée pour l'acquit de ma conscience".

L'objet de cette rencontre est donc bien de tenter de mieux cerner ces moments de la découverte qui paradoxalement semblent demeurer soustraits à la recherche, à l'investigation voire à l'explication.

En effet, l'exposé de la découverte qui se doit d'être le plus clair, le plus cohérent, le plus inattaquable possible nous éclaire finalement peu sur le processus mental qui l'a rendu possible et sur le moment où elle s'est en quelque sorte cristallisée.

Mais n'est pas un heureux paradoxe que ces déclics qui permettent d'élargir le champ de la connaissance échappent eux-même à celle-ci ; et les sentiments qui traversent alors les découvreurs - l'intuition, l'inspiration, les associations plus ou moins obscures - semblent relever davantage de la création artistique ou littéraire. Mais peut-être faut-il également se tourner aussi vers l'interprétation des rêves puisqu'on raconte que Kékulé a trouvé la forme hexagonale du benzène en rêvant d'un serpent qui se mord la queue.