Débat / Rencontre
Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres
Entrée : de « Coquetterie » à « Décoratif (Motif) »
16 avril 2009
L'événement est terminé
On peut estimer que la huitième conférence-performance commence avec l'entrée « coquetterie » et ira jusqu'à « Décoratif (Motif) ».
On peut estimer que la huitième conférence-performance commence avec l'entrée « coquetterie » et ira jusqu'à « Décoratif (Motif) ».
« Critiques sans cause (La fureur de dire)
Depuis le 25 septembre 2008, une fois par mois, Jean-Yves Jouannais donne lecture de son « Encyclopédie des guerres » sur la scène de la Petite salle de spectacle du Centre Pompidou.
La plupart des entrées coule de source, à l'image de « baïonnette », « camouflage » ou « charge » ; d'autres témoignent plus directement de la singularité de l'entreprise, comme « arbre » ou « chaussures ». Incapable pour sa part de qualifier son obsession actuelle à amasser tout le matériel possible sur les guerres dans le monde avant 1945, totalement ignorant des développements potentiels de ce projet (livre, œuvres « d'art », films, commissariats ?), Jouannais s'expose, en toute simplicité, sur la scène. Derrière une table bureau placée de biais dans le coin arrière-droit de la scène, muni d'un casque micro comme Madonna, il se lève, se rassied, traîne les pieds autour de l'écran qui mange tout le fond de la salle et reçoit, entre deux cartons d'intertitre portant en rouge sur fond noir le nom de l'entrée, les documents photo ou vidéo complétant, visuellement, la lecture des citations qui constituent, pour l'essentiel, cette Encyclopédie.
Forme totalement hybride, tenant tout à la fois de la conférence, de la performance, de la déclamation, de l'exposition, de la programmation, de la littérature, pour la forme, et de la compilation, du commentaire, de l'autobiographie, de l'autoanalyse, pour le fond, ce « spectacle » attire, mois après mois, un public de plus en plus nombreux (et choisi : artistes, écrivains, critiques ou historiens, directeurs de centres d'art, etc. ; ouvert gratuitement à tous, l'événement attire un aréopage que bien peu de vernissages peuvent déplacer).
Cet indéniable succès jette une lumière intrigante sur un parcours indépendant et inclassable : critique d'art (il fut rédacteur en chef adjoint d'Art Press), essayiste (son ouvrage sur l' Idiotie a reçu maintes récompenses), romancier ( Jésus Hermès Congrès, 2001), commissaire d'expositions, dont la prochaine édition de « La Force de l'art » au grand Palais (avec Jean-Louis Froment et Didier Ottinger), concepteur d'émissions de télévision pour Arte et de documentaires (pour la série « Un siècle d'écrivains »), Jean-Yves Jouannais s'adonne en toute liberté à son amour de l'art, sans aucune « culture du résultat ».
Paradoxalement, cet amour de l'art l'a éloigné de l'activité de critique d'art, qu'il n'exerce plus guère. Il n'est pas le seul, l'hémorragie en deviendrait inquiétante : comme lui, Vincent Labaume et Pierre Leguillon, qui comptèrent aussi au rang des critiques d'art les plus accomplis des années 90, ont lentement dérivé vers une forme artistique défiant les typologies, s'appuyant sur la pulsion de collecter et l'énergie de la performance.
Ainsi, dans les années 90, nos critiques les plus engagés, et les plus indépendants, ont-ils fini par s'identifier à quelques artistes : comme Pierre Leguillon avec Raymond Hains ou Vincent Labaume avec Jean-Luc Moulène, par exemple. Jean-Yves Jouannais a sans doute eu, pour sa part, une façon plus littéraire d'approfondir son obsession artistique, passant du « Fiasco » à l' « Infamie » puis à l' « Idiotie » avant de se fixer sur les « Guerres » ; le processus d'identification demeure, notamment à travers la figure légendaire de l'écrivain Félicien Marbœuf (1).
Ces critiques, Jouannais, Labaume, Leguillon, à la manière de héros de Borgès, sont tous arrivés, chacun par un cheminement parallèle, à une conclusion identique : la description la plus fidèle, la plus parfaite est la citation littérale.
Cette littéralité de la citation prend visuellement la forme d'un prélèvement, et singulièrement du prélèvement d'un objet imprimé, figé dans le moment de sa diffusion, comme dans les collages ou les « Pantins » de Labaume, ou les diaporamas et rassemblements d'images de Leguillon. Idem chez Jouannais, dont l' Encyclopédie des guerres n'est plus qu'une compilation de fragments de textes, de photographies, de reproductions d'œuvres, d'extraits de films. Le thème même de l'encyclopédie, de la classification, de l'organisation par séries, par ensembles, leur est commun. Pour paraphraser Maurice Denis, il faudrait ajouter que dans tous les cas ces fragments deviennent œuvres par leur organisation « dans un certain ordre assemblés ».
Et c'est ainsi qu'ils sont devenus artistes.
Ces projets en rappellent un autre, exactement symétrique, celui d'un autre très grand critique devenu artiste : Jean-Luc Godard, dont les « Histoires du cinéma » comme la récente exposition au Centre Pompidou « Voyages en utopie », correspondent en tout point à ce processus créatif, jusqu'à ce que d'aucuns prennent pour de l'isolement, et qui n'est qu'une forme aboutie d'une exigence de liberté. »
Stéphane Corréard, Particules, n°23, février-mars 2009
Quand
À partir de 19h30