Cinéma / Vidéo
Dont Look Back
15 nov. 2008
L'événement est terminé
Lambert & Co.
Etats-Unis / 1964 / 16mm / noir et blanc / 15 min
Réalisation : Donn Alan Pennebaker
C'est l'histoire d'un jazzman très bon charpentier à ses heures : alors qu'ils sont en train d'aménager un atelier de la 45ème rue de New York qui servira de bureau à leur nouvelle société de production, Richard Leacock et Donn Alan
Pennebaker sont un jour présentés par leur ingénieur du son à l'une de leurs idoles du jazz des années 40, Dave Lambert, du trio Lambert, Hendricks & Ross.
Coïncidence : le chanteur-arrangeur est aussi un charpentier hors-pair. Cette amitié nouée entre clou et marteau sert de prétexte à Pennebaker et Leacock pour saisir leurs caméras le jour où Lambert, qui a formé un nouveau quintette, vient auditionner au studio RCA. Cela donne 15 minutes de concentration parfaite et de vocalises virtuoses - d'autant plus mémorables que RCA, qui ne signa pas de contrat avec le quintette, effaça les bandes, et que deux ans plus tard, Lambert, en aidant une fois de plus quelqu'un à refaire un appartement, fut renversé par une voiture. C'est pour ses funérailles que les cinéastes, en hâte, montent les rushes en une nuit - une fébrilité qui rend ce document encore plus vivant. Quelques semaines après qu'un reporter allemand a demandé d'emprunter la copie pour la projeter en Europe, Albert Grossman, agent artistique, contacte Leacock et Pennebaker et leur propose de filmer une autre voix d'exception : celle de Bob Dylan.
Dont Look Back
Etats-Unis / 1967 / 16mm / noir et blanc / 95 min
Réalisation et montage : Donn Alan Pennebaker
Dont Look Back, sur la première tournée anglaise de Bob Dylan après son album The Times They Are A-Changin', qui se révèlera sa dernière tournée acoustique, inaugure un sous-genre prolifique du cinéma direct : le documentaire musical. On lui doit même une figure de style devenue invisible tant elle est courante : le travelling à la Primary qui suit Dylan des coulisses à la scène ou inversement, à la fin, l'accompagne dans un escalier, traverse un hall et s'engouffre dans la voiture après son dernier concert en Angleterre.
De ce modèle qu'il met en place sans le savoir, Pennebaker respecte la structure globale alternant coulisses et scène, chambre d'hôtel et assauts de groupies - on a ainsi l'occasion de remarquer l'extraordinaire carapace de Dylan, capable d'écrire en pleine tournée, de se mettre à la guitare dans une chambrée bruyante, d'accepter avec une apparente indifférence la présence de Pennebaker et d'un public de proches (son agent, son manager de tournée Bob Neuwirth ou son ancienne compagne et muse Joan Baez).
Pourtant, Dont Look Back résiste par tous les moyens à l'idée du portrait d'artiste. D. A. Pennebaker vient alors de quitter la maison de production fondée par Robert Drew, et les exigences journalistiques dont Drew ne s'était jamais départi. Dans ce contexte, accepter de filmer la tournée de Bob Dylan à la demande de son agent Albert Grossman permet surtout à Pennebaker d'épouser la posture de Dylan lui-même et de transformer l'expérience en brûlot contre la doxa médiatique.
D'où un prologue en forme de vidéo-clip : à côté de l'hôtel Savoy de Londres, Dylan jette au vent des cartons où sont inscrits les derniers mots de chaque vers de Subterranean Homesick Blues, à mesure que la chanson défile en off. Ce pied de nez au didactisme sera relayé tout au long du film, dans l'indolence deDylan face aux questions de la presse (Quel est votre message ? Avez-vous lu la Bible ? Etes-vous folk ?), mais aussi dans le montage lui-même.
Lorsqu'enfin, un journaliste qu'il semble respecter lui demande d'évoquer ses débuts, le film répond à sa place, supprimant la réponse pour insérer un métrage dans lequel un tout jeune Dylan chante devant des Noirs et des activistes du Mississippi. Le montage coupe ainsi l'herbe sous le pied de l'entretien, impose le document comme supérieur au récit tout en affirmant par cette coupe que parler de Dylan n'est ni l'affaire de Dylan, ni de Pennebaker.
La portée réflexive de Dont Look Back se confirme à la fin, à la lecture des journaux sur Dylan : « Ils écrivent que tu es anarchiste, parce que tu ne proposes pas de solutions ! » - n'est-ce pas là le sempiternel reproche fait au cinéma direct ?
Quand
À partir de 20h