Cinéma / Vidéo
Salesman
16 nov. 2008
L'événement est terminé
Deuxième long métrage en tant que réalisateurs des frères Al et David Maysles après What's Happening ! The Beatles in the USA, Salesman arrive à point nommé, en 1968, pour sonner la mort temporaire du rêve américain : le New York Times et Newsday labellisent film de l'année cette chronique de la vente de bibles à domicile qui évoque Mort d'un commis voyageur. Si l'éditeur de Truman Capote, sur qui ils viennent de tourner un court-métrage, a soufflé leur sujet aux frères Maysles, ils s'y jettent à corps perdu pour des raisons toutes personnelles : l'un comme l'autre ont été un temps VRP, et Al voit en l'un des quatre vendeurs de la Mid-American Bible Company de Boston, l'Irlandoaméricain.
Paul Brennan, le portrait inversé de son père : « Paul était toujours occupé à vendre, ce qui était typiquement juif. Et mon père était employé des PTT, ce qui était typiquement irlandais. Or mon père avait été élevé dans un quartier irlandais Et aucun des deux n'exerçait le boulot qu'il lui fallait 1. »
Car Salesman, comme son titre l'indique, n'a pas pour ambition première de brosser le portrait d'une Amérique ouvrière qui se précise à chaque fois qu'une desperate housewife accepte d'accueillir l'équipe (le vendeur mais aussi les deux cinéastes). C'est surtout la descente aux enfers de Paul Brennan, qui se laisse gagner, monotonie des motels aidant, par ce qu'il appelle « des pensées négatives » tandis que ses collègues écoutent, perplexes, les mauvaises excuses avancées pour ses ventes piteuses. S'ils s'étaient intéressés aux autres vendeurs, qui semblent avoir le commerce dans le sang, les Maysles se seraient contentés d'une rhétorique de l'arnaque consignée sur pellicule. Mais ils trouvent chez Brennan, démotivé, à la fois la « situation de crise » nécessaire au documentaire direct selon leur ancien collègue Robert Drew et l'épaisseur humaine qu'Al Maysles, psychologue de formation, cherchera plus tard chez la mère et la fille de Grey Gardens. Les magnifiques plans de Brennan en auto, à l'hôtel ou immobile devant une tasse de café confèrent au personnage une mélancolie qui rappelle celle de James Stewart pendant les trajets en voiture de Vertigo. Une fois tiré ce fil dramatique, la réalité semble abonder dans son sens: est-ce un hasard si Brennan se perd dans le labyrinthe des rues d'Opa-Locka, en Floride, toutes nommées d'après Les 1001 Nuits ?
1 Al Maysles, entretien avec Joel Silvers, 15 septembre 2007
Quand
À partir de 20h