Débat / Rencontre
Nancy Spero, "The War Series : Victims", 1967
23 janv. 2005
L'événement est terminé
« Je crois que la colère à l'oeuvre dans la "War Series" provenait du sentiment que je n'avais pas de voix, pas de champ dans lequel conduire un dialogue, que je n'avais pas d' identité. Je me sentais comme une non-artiste, une non-personne. J'étais furieuse, furieuse que ma voix en tant qu'artiste ne soit pas reconnue.»
Ces paroles de Nancy Spero, comme ses travaux qu'inaugure la "War Series", j'aimerais les lire en regard de l'actualité du dernier ouvrage, révolté et engagé de la philosophe américaine Judith Butler, "Precarious Life" (La Vie Précaire).
Conférence d'Élisabeth Lebovici, critique d'art au journal "Libération".
Conférence d'Élisabeth Lebovici, critique d'art au journal Libération.
Victims, 1967, l'oeuvre de Nancy Spero, entrée dans les collections du Musée National d'art moderne en 2004, fait partie d'une série intitulée War Series, datant de 1966 - 1970.
A cette époque, l'artiste américaine rentre aux Etats-Unis après un séjour de plus de cinq années en France. Violemment choquée par la guerre que mène son pays au Vietnam, l'artiste se met à produire des travaux tout entiers dévolus à dénoncer « l'obscénité de la guerre »(1)- l'expression de Nancy Spero est à prendre à la lettre puisque la guerre impérialiste est ici confondue avec la guerre des genres et l'impérialisme masculin. Ainsi, Nancy Spero inaugure-t-elle un engagement à la fois pacifiste et féministe (elle fut l'une des fondatrices de AIR Gallery, coopérative de femmes artistes, en 1972), mais tout aussi bien artistique, inventant des stratégies minoritaires contre le modernisme héroïque et contre le formalisme optique de l'Ecole de New York.
« Je crois que la colère à l'oeuvre dans la War Series provenait du sentiment que je n'avais pas de voix, pas de champ dans lequel conduire un dialogue, que je n'avais pas d' identité. Je me sentais comme une non-artiste, une non-personne. J'étais furieuse, furieuse que ma voix en tant qu'artiste ne soit pas reconnue. »
Ces paroles de Nancy Spero, comme ses travaux qu'inaugure la War Series, j'aimerais les lire en regard de l'actualité du dernier ouvrage, révolté et engagé de la philosophe américaine Judith Butler, Precarious Life ("La Vie Précaire").
Après le 11 septembre, après les guerres d'Afghanistan et d'Irak, quelles sont les normes qui définissent une humanité reconnaissable et qui excluent celle qui ne l'est pas ? Et comment parler à la première personne lorsque on est une « non-personne » ?
(1) les citations sont extraites de l'entretien entre Nancy Spero et Jo Anna Isaak, in Nancy Spero, Phaidon, 1996
Elisabeth Lebovici a écrit des essais, notamment sur Annette Messager, Claude Cahun, Zoe Leonard, Nan Goldin, Dana Wyse, Philippe Thomas, Roni Horn, et une interview de Valerie Export pour son catalogue 2003-2004 au CNP.
- Réédition, en 2004 de L'Intime (éd. Ensb-a), avec des contributions de Georges Tony Stoll, Rebecca Bournigault, Charles-Arthur Boyer, Olivier Séguret, Laure Murat, Pierre Zaoui, Philippe Peltier, Shere Hite et Jean-Charles Masséra.
- A paraître : en collaboration avec Catherine Gonnard, un ouvrage inédit sur l'histoire des femmes artistes en France, 1900-2000, chez Hazan ; un livre sur Valerie Mréjen, chez Léo Scheer.
Quand
11h30 - 12h30