Cinéma / Vidéo
"Drive-in", Olivier Cadiot
15 nov. 2008
L'événement est terminé
En mai 2008, Olivier Cadiot publiait Drive-In en préface au recueil d'Antoine de Baecque, Feu sur le quartier général (Éditions des Cahiers du cinéma). « Et si je faisais un film » : nous reproduisons le début de ce texte dans lequel l'écrivain s'emploie à « retourner le cinéma vers l'intérieur du livre ».
Le 15 novembre, Olivier Cadiot proposera la lecture d'un texte inédit écrit dans la continuité de cette préface, afin de prolonger un mouvement initié par ses livres, singulièrement Retour définitif et durable de l'être aimé (POL, 2002) et Un nid pour quoi faire (POL, 2008) : s'approcher au plus près des images, dérouler le film intérieur du lecteur.
D'un chevalier à l'autre : à la suite de cette lecture sera présenté Arrigo Alto, un court métrage en armure inédit d'Albert Serra, réalisé en marge de son second long métrage, Le Chant des oiseaux, « à partir d'une petite référence de Dante au roi Arrigo VII (Henry VII) dans le "Paradis" de La Divine Comédie ».
Et si je faisais un film, c'est le mieux pour raconter tout ça, pensais-je, brusquement soulagé. Pas de roman, pas de démonstration en trois parties, plus de transitions, pas de questions pénibles à la fin. Et aucune culpabilité. Les gens sont habitués aux trafics d'images. Nous sommes enfin tous modernes.
La moindre publicité pour EDF est plus invraisemblable que Nadja. Sans crainte, je choisirai le scénario qui me permettra de raconter simultanément des choses qui ne vont pas de soi ensemble, et ça ira très bien comme ça. Personne n'y verra que du feu. Je pourrai rapprocher à l'infini des idées et des formes, mélanger mes images préférées à celles de tous, c'est merveilleux.
Et pratique.
Si je veux raconter mes souvenirs, je peux les mélanger sans chronologie ni vraisemblance, aucun problème. On décide au hasard de superposer mémoires X et Y. On repère un endroit qui correspond à peu près. On s'installe, on tourne, on regarde.
Tiens, c'est curieux, on obtient quelque chose de déjà-vu : visite d'une ville fantôme en cabriolet, Splendeur des Amberson ? Mais j'ai copié ! désolé ! Mais non, c'est normal, le cinéma a déjà tout enregistré. Détendez-vous, nous dit-il, je suis votre musée. Anthologie de tous les gestes possibles, somme exponentielle des sensations. Le cinéma, c'est vous.
Voyage en Déjà-vu.
Quelqu'un nous parle sur le ton de la conversation, douce voix off, vieux speaker attendri qui déroule la visite guidée.
On s'embarque avec lui. Caméra asservie sur ressort, articulée et pneumatique. Ça va vite et relativement lentement, comme un avion vu du sol ressemble à une trace d'escargot sur fond bleu. C'est surtout régulier, un flux absolument régulier et stable.
On se promène avec notre voix sur ce rail, on décline les petites histoires de chacun, petites familles, petits mondes côte à côte : vie du Major Machin, disparition de Madame Muir, généalogie de Marnie. On passe de branches en branches en descendant l'arbre familial. Une seule phrase-mouvement.
Absalon ! Absalon ! On longe des vérandas, on glisse sur les corniches, on traverse les pièces, on troue les façades au ralenti.
Changeons.
On peut s'élever d'un coup, et hop - c'est plus facile du haut d'une grue, oh, on voit une rue préservée, ah je ne savais pas qu'il y avait tant de vert ici ! châtelets biscornus emportés par la glycine, fermes miracles au fond des impasses, regardez-moi ça ! on dirait une ville restée en enfance.
Maison de poupée par satellite ?
Et puis on redescend, on est libre, c'est un film, on s'approche au galop en une séquence, on passe d'un seul plongeon du cosmos à la terre, on rentre dans les feuilles, bruit de vent et de branches cassées.
Atterrissage Ange.
Il y a quelqu'un ? Hmmm, parfait, un homme dans une cuisine, avançons, c'est sombre, on est au-dessous du niveau d'un jardin. Décor de roman ? Visitons. Tour du propriétaire en accéléré, on fait une ellipse dans la pièce, une otarie fait des huit sur les bords d'un bassin. C'est épuisant.
Concentrons-nous sur notre homme.
On pénètre l'étoffe de sa veste d'intérieur. Arrivée Peau.
Oh mais c'est moi ! Un spectre rentre dans ma chair. C'est le contraire des images spirites où l'on voit un fantôme littéralement sortir en fumée d'un gros monsieur moustachu. Ici, l'ange du cinéma se superpose à mon corps.
Bienvenue.
Quand
À partir de 20h30