Exposition / Musée
Yayoi Kusama
10 oct. 2011 - 9 janv. 2012
L'événement est terminé
Le Centre Pompidou présente la première rétrospective française consacrée à l'artiste japonaise Yayoi Kusama : à travers un parcours chronologique composé de 150 oeuvres, réalisées entre 1949 et 2001, l'exposition suit les grands moments de la vie de l'artiste et illustre le caractère protéiforme (peintures, sculptures, environnements, performances) d'une oeuvre que Kusama qualifie ellemême d'« obsessionnelle ».
Le Centre Pompidou présente la première rétrospective française consacrée à Yayoi Kusama. À travers un choix de cent cinquante oeuvres réalisées entre 1949 et 2010, un hommage est ainsi rendu à une artiste atypique.
Un souvenir d’enfance fonde la légende de Yayoi Kusama et associe le commencement de sa vie d’artiste à une hallucination, une inquiétante étrangeté qui s’est manifestée autour de la table familiale : les fleurs rouges de la nappe se multiplient sur le plafond, les murs, le sol, sur elle-même. Âme sans corps, l’artiste fait de son insupportable auto-anéantissement (Self-Obliteration) le défi et la quête même d’une oeuvre radicale et atypique : inscrire son corps, s’inventer un corps à corps selon des procédures formelles toujours réinventées.
L’exil à New York en 1958 libérera Kusama, peintre, sculpteure, performeuse, écrivaine et chanteuse. En traversant les frontières, elle se défait de tout lien, sauf de la mémoire d’une immense culture. Chacune des séquences de son oeuvre protéiforme en est profondément marquée et leur force radicale rythme l’exposition. S’engageant d’abord dans l’expérience du monochrome, Kusama entreprend de grands formats. D’un blanc trouble, puis colorés, les Infinity Nets n’ont ni haut, ni bas, ni droite, ni gauche, ni commencement, ni fin, ni sens ni centre illusoire, mais ils sont écrits, à la manière d’une calligraphie inconsciente et obsessionnelle. À l’illusion du vide succède la provocation du plein : elle s’approprie des objets trouvés sur les trottoirs de Manhattan, qu’elle hérisse de phallus en tissu. Ces Accumulations, souvent associées à la domesticité féminine, Kusama les métamorphose en « surréalisme pop ». Le traitement par masses et agrégats de ces sculptures arrondit les angles et engendre des formes spongieuses, amorphes et molles. 1966 est une année charnière. Kusama conçoit ses premiers environnements où elle introduit le miroir, inaugurant un travail sur la réflexion constamment présent depuis. Kusama’s Peep Show (1966) et les Mirror Rooms (1965) sont les lieux matriciels où se disséminent les premiers Dots [points] et la mise en abyme de sa propre image, puis Phalli’s Field (1965) où s’improvisent les premiers happenings.
Libération sexuelle, critique violente de la société de consommation et politisation de l’art deviennent l’enjeu majeur de ses performances. Cette rébellion des corps représente l’un des apports les plus singuliers de Kusama. Par cette émancipation, elle participe à la quête d’une autonomie à la fois physique, sexuelle et intellectuelle, associant féminisme et performance. Le retour à Tokyo en 1973 se fait dans la souffrance. À la suite d’une succession d’événements douloureux, elle choisit de vivre dans une institution psychiatrique, et y poursuit depuis lors son oeuvre avec acharnement. Si, depuis 1980, Kusama persévère à concevoir d’imposants environnements (Dots Obsession, 1998) et sculptures, elle a entrepris récemment une nouvelle série de peintures. Sur des formats souvent carrés et posés horizontalement, elle compose quotidiennement avec un certain automatisme d’étonnants « rébus ». Une prolifération proprement hallucinatoire de formes mouvantes et flottantes, toujours simplifiées, engendre un interminable surgissement, emporté avec l’élan du pinceau à la vitesse du chaos. Mouvement des images images en mouvement, ainsi grouillent les méandres de sa psyché.
Dans la fièvre de New York*
Yayoi Kusama - « C’était la période de l’engouement pour l’Action painting. J’avais l’idée qu’il était important pour moi d’élaborer un art original, issu uniquement de mon monde intérieur […]. En 1959, j’exposais mes Infinity Nets, blancs sur fond noir. La monotonie engendrée par une répétition due à une action constante, l’absence d’un centre, et l’indifférence témoignée à la composition, plongèrent le public dans la perplexité […] J’avais en moi le désir de mesurer de façon prophétique l’infini de l’univers incommensurable à partir de ma position, en montrant l’accumulation de particules dans mes mailles d’un filet où les pois seraient traités comme autant de négatifs. […] C’est en pressentant cela que je puis me rendre compte de ce qu’est ma vie, qui est un pois. Ma vie, c’est-à-dire un point au milieu de ces millions de particules qui sont les pois. […] »
Parcours et luttes de mon âme*
YK - « Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en seront pleins ; moi-même je m’acheminerai vers l’auto-anéantissement, vers un retour, vers une réduction, dans l’absolu de l’espace et dans l’infini d’un temps éternel. […] Je fus saisie de stupeur. […] Peindre était la seule façon de me garder en vie, ou à l’inverse était une fièvre qui m’acculait moi-même. […] »
Et maintenant un art comme requiem
YK - « […] L’image sur laquelle je travaille actuellement est celle de la mort […]. Dans notre société d’information devenue une société de violence, dans une culture homogénéisée, dans une nature polluée, dans cette imagerie d’enfer, le mystère de la vie a déjà rendu son souffle. La mort qui va nous accueillir s’est dépouillée de sa quiétude solennelle et nous avons perdu de vue la mort sereine. […] Jusqu’ici, ma propre révolution, faite pour continuer à vivre, se dirigeait vers la découverte de la mort. Je suis arrivée à un moment de mon parcours artistique où il faut que je crée un art pour le repos de mon âme, un art qui tiendra compte de ce que signifie la mort, de la beauté de ses couleurs et de ses espaces, de la tranquillité de ses pas, du ‹ Néant › qui vient après elle. »
"Un pois, c'est tout", par Chantal Béret, Conservatrice au musée national d'art moderne.
Texte publié dans le magazine programme Code Couleur
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis