Exposition / Musée
Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi : Exposition
L'archive comme oeuvre, l'oeuvre comme archive
25 sept. - 15 nov. 2015
L'événement est terminé
Avant propos de Serge Lasvignes, Président du Centre Pompidou :
Voilà maintenant quarante ans que les artistes italiens Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi
traversent le monde et embrassent le siècle depuis leur atelier milanais. Venus au cinéma dès leur rencontre en 1975, ils l’abordent d’emblée comme une mise en catalogue d’objets filmés doublée d’une expérience sensorielle, en accompagnant les projections de la diffusion de parfums.
Au tournant des années 1980, ils sauvent une collection de films Pathé-Baby 9,5 mm et les archives de Luca Comerio, documentariste pionner italien qui servit le roi d’Italie puis le régime fasciste. Ces découvertes confortent leurs recherches historiques, anthropologiques, politiques, et marquent le début de leur travail sur les images de la première moitié du 20e siècle. Avec elles, les artistes prennent pleinement acte de la révolution opérée par le cinéma : le siècle devient simultanément vécu, filmé et regardé.
Dès lors, leur oeuvre – composé de films, vidéos, installations mais aussi de photographies, dessins et aquarelles – se fait gigantesque inventaire des gestes humains, tant ceux des filmés que des filmeurs. Développant une « caméra analytique », à la fois outil et méthode de relecture des images photogramme par photogramme, les artistes recadrent, détaillent, colorisent, ralentissent le matériau d’origine. Dégagées du regard et de l’idéologie de leurs auteurs, les images font retour mais autrement : à travers la colonisation, le fascisme, l’impérialisme ou la guerre, toutes formes de violence et de domination, les artistes créent une continuité nouvelle entre passé, présent et futur. Mystérieusement, le temps retrouvé fait à nouveau histoire, comme les images font poème, rendues à leur liberté sauvage et à leur pouvoir de sidération.
Le Centre Pompidou, soutenu par le Festival d’Automne à Paris, présente la rétrospective intégrale des cinquante films de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi et un inédit, commandé dans le cadre de sa collection Où en êtes-vous ? L’entreprise serait restée incomplète sans l’exposition consacrée à leurs installations – une première en France –, où l’on peut voir dix oeuvres, en accès libre dans le Forum -1, pendant un mois et demi.
Cette exposition est la première consacrée aux artistes en France. Elle regroupe dix installations composées de films, vidéos, aquarelles, photographies et d'un court métrage réalisé sur une commande du Centre Pompidou avec lequel les cinéastes répondent à la question Où en êtes-vous, Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi ?
ESPACE CENTRAL
Où en êtes-vous, Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi ?
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Film présenté en installation, Italie-France, 2015, court métrage, coul., italien stf, 1 écran 4 : 3
Commandé par le Centre Pompidou, en association avec Arte France
Première mondiale
« Où en êtes-vous ? » est une collection initiée par le Centre Pompidou, qui passe désormais commande à chaque cinéaste invité d’un film de forme libre, avec lequel il répond à cette question à la fois rétrospective, introspective,et tournée vers l’avenir, ses désirs, ses projets. Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi évoquent l’état de leur réflexion, après quarante ans de compagnonnage, et les projets en cours.
Film disponible sur www.arte.tv et, après l’exposition, sur www.centrepompidou.fr
Carrousel de jeux
Ghiro ghiro tondo
de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi,
Installation composée de deux éléments :
- Huit tirages photographiques, 2014-2015, coul.
- Film, Italie, 2007, 61’, coul., sonore., italien stf et angl., sur LCD
Version inédite
Les cinéastes filment et photographient une collection de milliers de jouets, découverte à Mühlbach, un village de la région Trentin-Haut-Adige, qui faisait partie de l’Autriche jusqu’à la Première Guerre mondiale. S’étendant sur une période allant de la fin de 1914-1918 aux années 1950, cette collection apparaît comme le produit de l’histoire, de ses idéologies bellicistes, et le reflet d’une enfance violée par la guerre. La mise en catalogue systématique des jouets, leur exposition hypnotique réparent symboliquement les bras manquants, jambes brisées et têtes trouées, qui rappellent les gueules cassées de Oh! Uomo.
Kokoschka, La fianée du vent
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi,
Installation composée de deux éléments :
- Rouleau d’aquarelle sur papier, Italie, 2014-2015, 10 m x 0,75 m, coul.
- Film, Italie, 2015 , 18', 8 mm et vidéo (Hi8), coul., sonore et voix-over (Yervant Gianikian), français st angl. sur LCD
Première mondiale
Depuis le début de leur travail commun, l’élaboration des films du couple est accompagnée d’aquarelles peintes par Angela Ricci Lucchi, qui fut l’élève d’Oskar Kokoschka dans son « école du regard » salzbourgeoise. Les cinéastes rendent ici hommage au maître avec un rouleau d’aquarelle long de dix mètres et un film. L’ensemble est inspiré par l'histoire de Kokoschka et les lettres qu'il écrivit entre 1918 et 1919 à Hermine Moos, costumière de théâtre à Munich, à qui il avait passé commande d’une poupée grandeur nature à l’effigie d’Alma Mahler, la femme aimée. Au fil de ces douze lettres, la passion se fait instructions incroyablement précises sur la fabrication de cet objet destiné à « abuser tous les sens ». L’aquarelle et le film ressaisissent ce geste dans l’espace et le temps, ceux du suicide de l’Europe, avec des images de la maison
de villégiature des Mahler à Alt-Schuderbach dans le Trentin-Haut-Adige, région où Kokoschka retrouva Alma à plusieurs reprises, et d’autres images tirées des archives de Luca Comerio sur les combats de 1914-1918, au cours desquels Kokoschka a été blessé, et comportant ce carton : « Qui a gagné la guerre ? La folie ».
Aquarelles
de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi,
Reproductions grand format (technique originale :
aquarelle sur papier), Italie, 2,30 m x 1,58 m :
- Non, non, non, Manifeste, 1996, format d’origine :
13 cm x 9 cm. Version française originale
- La Marcia dell'uomo / La Marche de l’homme, 2001,
format d’origine : 33 cm x 24 cm
- L’impero italiano / L’Empire italien, 1985, format d’origine :
33 cm x 24 cm
Reproductions d’un ensemble de trois aquarelles, dont un manifeste, une planche accompagnant La Marche de l’homme, installation présentée dans l’exposition, et une aquarelle intitulée L’Empire italien qui fait partie de la recherche autour du film Du Pôle à l’Equateur. Ces aquarelles, à la fois représentations, notes et storyboards, apparaissent comme un élément-clé du processus de travail et de création de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi.
PREMIÈRE SALLE
La Marche de l'homme
La marcia dell'uomo
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2001, 5’, coul., mus. (Keith Ullrich), italien stf et angl., 3 écrans 4 : 3, 4 m x 3 m
Présentée à la 49ème Biennale de Venise,
conçue par Harald Szeeman, 2001
Inédite en France
Cette installation est composée de trois films d’archives de périodes différentes, analysés par la caméra des artistes. D’abord, une série chronophotographique d’Etienne-Jules Marey qui, en 1895, cherche à comparer la marche des « nègres » avec la marche des « occidentaux ». Ensuite, des images prises lors d’une expédition en 1910, en Afrique, d'où jaillit l'asymétrie violente des rapports entre noirs et blancs. Enfin, un fragment de film super 8 de 1960 où un touriste, caché derrière ses lunettes de soleil, pose pour quelques pièces devant deux femmes noires dénudées, en habits traditionnels. L’installation invite à une marche au fil des rapports de domination qui ont irrigué les regards au XXème siècle.
Si les Gianikian proposent un montage, ils ne l’imposent pas dans une durée figée selon
le dispositif cinématographique. Ils étalent le montage dans un espace réellement arpentable par le spectateur qui impose, lui, son rythme d’enchaînement, son allure. Acte de vision, acte de mémoire. Réminiscence du mouvement comme action physique dans cette installation contemporaine des voyages virtuels. Poétique du retour : le spectateur est à nouveau cet homme qui marche. Marcher, voir, penser.
Dominique Païni et Danièle Hibon, « Marcher, monter », texte conçu pour le catalogue de la 49ème Biennale de Venise, publié dans Trafic n° 38, été 2001
SALLE RÉTROSPECTIVE
Dans cette salle, un programme de cinquante minutes en boucle déploie successivement six installations de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi, qui recomposent sans cesse l’espace, entre un et cinq écrans.
Triptyque du 20e siècle
Trittico del novecento
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2002-2008, 5’, coul., muet, italien stf et angl. 5 écrans 4 : 3
Commandée par le musée d’art contemporain de Rovereto
et Trento (Mart), 2002-2008
Inédite en France
Ce triptyque, qui traverse le siècle, reprend
des images de la Grande guerre, du colonialisme, de la guerre froide, entre stalinisme et consumérisme américain, et d'un Orient multiconfessionel. Les idéologies se percutent, des liens se tissent entre les images
et les maux du siècle.
Aux vaincus
5’, 2004 , 2 écrans
D’après un vers de Baudelaire (dans le Cygne), Aux vaincus présente un maigre repas entre soldats, un petit garçon africain qui ramasse et croque quelques bonbons et enfin, en réponse,
une cuisine des années cinquante, typique de l’imagerie consumériste américaine, où la technologie automatise, dans un même mouvement, l’homme, ou plutôt la femme, et la maison.
Corps blessé
Corpo ferito
5’, 2002 , 1 écran
Une femme dans une salle d’opération.
Alors que les médecins la trépanent, l’écran
est plongé dans un profond bleu aquatique. Porte d’entrée dans le subconscient du siècle.
Terrorisme I & II
Terrorismo I & II
5’, 2008 , 2 écrans
D'un côté, des gardes soviétiques exhibent un clochard alcoolique que des infirmiers forcent au bain, ainsi qu'un garçon des rues. De l'autre, des images en négatif d'Orient, de Jérusalem, où les religions sont partout, cohabitent.
Topographie
Topografia
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2008, 6', nb, muet, 1 écran 4 : 3
Commandée par le Museo storico italiano della guerra de Rovereto e Trento, 2008
Inédite en France
Pendant la Première Guerre mondiale est effectué un survol de territoires de la région
de Trento en vue d’un relevé topographique. Les cinéastes reprennent ces images militaires
pour donner au mariage de la surface de la pellicule et de la géographie des paysages une
qualité abstraite. Ces paysages montagneux, semblables à ceux du film Sur les cimes tout est
calme, sont habités par des soldats. Cette installation a donné lieu à la publication d’un livre d’aquarelles des cinéastes intitulé Topografia aerea.
Imperium
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2013, 3’, coul., mus. (Keith Ullrich), anglais stf, 4 écrans 4 : 3
Présentée dans l’exposition After Year Zero, Haus der Kulturen der Welt, Berlin, 2013
Inédite en France
Reprenant son travail autour du fascisme colonial, le couple explore à nouveau les images
de la seconde guerre italo-éthiopienne. Cette fois, il s’agit de donner à voir comment la
création de La Banque d’Italie en Ethiopie, le capitalisme permettent d’asseoir la domination
sans combat. Dans cette arène sont projetées des photographies privées et des archives
filmées.
Terra Nullius
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2002, 10', mus. (Luis Agudo), anglais stf., 3 écrans 4 : 3
Présentée dans l’exposition Based on True Stories, Witte de With Museum, Rotterdam, 2003
Inédite en France
Les Britanniques, en arrivant en Australie, déclarent que le terrain est terra nullius,
terre inhabitée. L’installation explore l’extermination physique et culturelle
des Aborigènes australiens : à travers la juxtaposition de scènes urbaines
et de scènes de campagne, le couple dessine la géographie d’une domination.
Fragments éléctriques
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2002-2004, 13’, coul., mus. (Luis Agudo), anglais stf, 4 écrans 4 : 3
Présentée dans l’exposition Experiments with Truth, Fabric Workshop and Museum, Philadelphia, 2005
Inédite en France
Les fragments électriques forment une série réalisée à partir de films privés tournés après la
Seconde Guerre mondiale. Ils provoquent chez celui qui les regarde un choc électrique, une
étincelle révoltante. Deux fragments électriques ne figurent pas dans les installations : les n. 4, 5
- Asie, Afrique, et le n. 6, Journal 1989, Dancing in the Dark.
Fragments électriques n°1 - Roms (Hommes)
Frammenti elettrici n°1 - Rom (Uomini)
13’, 2002 , 1 écran
Une famille bourgeoise enregistre à la fin de la guerre la vie misérable des Roms revenus en Italie.
Fragments électriques n°2 - Vietnam
Frammenti elettrici n°2 - Viet Nam
9’, 2002 , 1 écran
Ensemble de souvenirs intimes, entre exotisme et colonialisme, filmés par un militaire français
en Indochine.
Fragments électriques n°3 - Corps
Frammenti elettrici n°3 - Corpi
10’, 2002 , 1 écran
Un homme filme obsessionnellement les fesses de femmes en maillots de bain, symboles du boom économique des années 1950. Voyeurisme et prédation.
Fragments électriques - Nouvelle Calédonie
Frammenti elettrici - Nuova Caledonia
9’, 2002 , 1 écran
Reportage ethno-colonialiste sur le peuple kanak et images de célébration en Nouvelle-Calédonie.
Fragments électriques - Tsiganes
de Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucchi
Installation, Italie, 2015, 9', coul., mus., anglais stf, 3 écrans 4 : 3
Présentée au Centre Pompidou, Paris, 2015
Première mondiale
Cette nouvelle installation suit des communautés roms à travers le siècle, la manière dont elles le traversent et lui font face.
Fragments électriques n°7 - Afghanistan avant les guerres
Frammenti elettrici n°7 - Afghanistan before the wars
7', 2012 , 1 écran
En 1978, une caravane de nomades roms, en route vers le sud pour l'hiver, passe par la vallée de Bamiyan.
Fragments électriques n°8 - Partie de chasse (Inde)
Frammenti elettrici n°8 - Inde, shooting party
9', 2012 , 1 écran
Vers 1935-1938, dans l'ouest de l'Inde, en marge d'une partie de chasse, un Anglais filme des Roms sur la route de Nashik..
Fragments électriques - Sarajevo
Frammenti elettrici - Sarajevo
5', 2015 , 1 écran
Sarajevo 1995. Il y a la guerre. La ville assiégée est sous couvre-feu. La communauté rom élit la
femme la plus belle. La nuit efface les horreurs, les destructions, le froid. Prises par Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, ces images ont été utilisées dans le film Nocturne.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis