Débat / Rencontre
Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres
Entrée : de « Charge » à « Chien »
22 janv. 2009
L'événement est terminé
Jean-Yves Jouannais lira son ouvrage en train de s'écrire, de manière exhaustive, séance après séance. Seront projetés durant la lecture tous types d'illustrations : cartes, photographies, tableaux, extraits de films, actualités d'époque, dessins animés, vidéos d'artistes, etc. Cette lecture illustrée, comme une encyclopédie en pop up, s'apparente à une performance parce que chaque entrée est commentée en direct, critiquée, réécrite au fur et à mesure.
On peut estimer que la cinquième conférence-performance commence avec l'entrée «Charge» et s'achève avec l'entrée «Chien», en passant, entre autres, par «Chaussures», «Chevelure».
On peut estimer que la cinquième conférence-performance commence avec l'entrée «Charge» et s'achève avec l'entrée «Chien», en passant, entre autres, par «Chaussures», «Chevelure».
Mère Ubu :
Il n'y a qu'un parti à prendre, Père Ubu.
Père Ubu :
Lequel, mon amour ?
Mère Ubu :
La guerre !! »
(Alfred Jarry, Ubu roi, Acte III, scène VII)
'Pendant la Seconde Guerre mondiale, une histoire se raconte, dont plusieurs versions nous sont parvenues, d'un faux aérodrome militaire allemand construit en Hollande occupée pour tromper les observateurs alliés. Le terrain d'aviation, décor méticuleux, était entièrement en bois. Il y avait là des hangars, des réservoirs, des véhicules et une centaine d'avions, comme autant de jouets grandeur nature. La construction de ce leurre fut si longue, parce que maniaquement réaliste, que les Alliés eurent le temps d'en suivre chacune des étapes. Aussi, le dernier jour du chantier, tandis que l'on fixait la dernière planche sur l'aile d'un faux avion, un autre aéroplane, vrai celui-ci, et anglais, traversait la Manche, venait tourner au-dessus de cette scène de théâtre avant d'y lâcher une bombe en bois.
À notre connaissance, la première version de cette anecdote est due au journaliste William L. Shirer qui la livre dans son Berlin Diary : The Journal of a Foreign Correspondent 1934-1941, en date du 27 novembre 1940. L'auteur ne prétend aucunement avoir été témoin de l'événement, ni avoir été en contact avec un témoin direct. Il rapporte simplement une anecdote humoristique que quelqu'un lui aurait racontée ce jour-là.
D'où la question idiote, anthropologiquement intenable, de savoir si la guerre n'a pas été, de toute éternité, une blague qui aurait mal tourné, parce que mal interprétée ou maladroitement énoncée. Cette hypothèse sans fondement autre que littéraire sera au cœur d'une entrée majeure de L'Encyclopédie des guerres. Intitulée 'Vadrouille (La très grande)', elle consiste en une compilation de tous les faits, gestes, récits guerriers qui ont trait, plus ou moins frontalement, avec l'humour, la fantaisie ou le gag.
Avant d'en arriver à cette entrée - dans deux ans environ -, je me demande déjà si L'Encyclopédie des guerres elle-même ne serait pas également une farce, un monument à l'échelle d'une vie qui n'accoucherait, in fine, que d'un rire sarcastique. Cette idée m'est venue à l'esprit pour deux raisons. D'abord en constatant que je me laissais de plus en plus souvent aller à des commentaires qui relevaient de la psychanalyse et de la confidence intime au cœur d'un projet d'écriture d'obédience scientifique et objectif. Comme si le sujet de la guerre n'allait pas disparaître au profit d'énoncés d'une autre nature, et n'avait existé que comme un prétexte, ou un leurre justement. Ensuite, parce que je constate, au fil de ces conférences-performances, que cette Encyclopédie s'écrit et se nourrit plus rapidement que je ne peux la lire. Et de beaucoup. D'où, loin d'avancer, la sensation de stagner, voire de s'éloigner définitivement de l'espoir d'épuiser un jour ce corpus encombrant et par trop proliférant. Et de reconnaître que ces interrogations me réjouissent au plus haut point.'
Jean-Yves Jouannais
Quand
À partir de 19h30