Débat / Rencontre
Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres
Entrée : de « Décoration » à « Etoile »
18 juin 2009
L'événement est terminé
Jean-Yves Jouannais lira son ouvrage en train de s'écrire, de manière exhaustive, séance après séance. Seront projetés durant la lecture tous types d'illustrations : cartes, photographies, tableaux, extraits de films, actualités d'époque, dessins animés, vidéos d'artistes, etc. Cette lecture illustrée, comme une encyclopédie en pop up, s'apparente à une performance parce que chaque entrée est commentée en direct, critiquée, réécrite au fur et à mesure. On peut estimer que la dixième conférence-performance commence avec l'entrée « Décoration » et ira jusqu'à « Etoile ».
On peut estimer que la dixième conférence-performance commence avec l'entrée « Décoration » et ira jusqu'à « Etoile ».
« Le camembert coule sans être torpillé »
Les habitués le savent, Jean-Yves Jouannais est conduit assez fréquemment à s'interroger sur les origines de (ce qu'il ne faudrait pas appeler) son intérêt pour la guerre. Dans cette perspective, il peut lui arriver d'évoquer les conditions difficiles qui ont présidé à sa propre naissance (voir en particulier la sous entrée « canons de Navarone » à l'entrée « canons », quatrième conférence-performance).
Plus modestement, on recherchera une source possible, et plus récente, dans un de ses ouvrages : L'idiotie art, vie, politique - méthode. On y trouve en effet, placées en exergue du dernier chapitre, intitulé « propositions conclusives », ces deux citations pour lesquelles on ne peut manquer d'éprouver une tendresse particulière : « Clémentine peut se curer les dents » et « Le camembert coule sans être torpillé », deux des milliers de messages personnels adressés, par l'entremise de la BBC, à la Résistance intérieure. Or, à l'issue du débat organisé autour de la publication de ce livre en septembre 2003, l'auteur confessait, non sans un certain embarras, que le choix de telles citations témoignait alors d'une préoccupation de plus en plus envahissante pour les choses de la guerre.
Certes, comme Jean-Yves Jouannais l'a annoncé d'entrée de jeu, en préambule de son encyclopédie, « le principe de cette enquête est-il celui de la candeur, et sa méthode, l'idiotie. » Cependant, c'est un peu différent de faire l'hypothèse selon laquelle ce travail sur la guerre s'ancre dans sa réflexion initiale sur l'idiotie et, d'une certaine façon, à travers ses prémisses, vient (provisoirement) la conclure. Mais pas avec n'importe lequel de ses territoires : la référence aux messages de la BBC constitue une manière bien particulière « d'entrer en guerre », plutôt au sens « d'entrer en collision » que « d'entrer en religion ».
Ces phrases toute simples, « Gilberte a les yeux noirs », « Le gigot est cuit », ou parfois plus loufoques, « Les girafes ne portent pas de faux col », commandaient les sabotages, les parachutages, d'autres actions de guerre, elles annonçaient aussi les disparitions, les arrestations, les tortures. C'est dire qu'inséparables des situations auxquelles elles sont attachées, elles unissent, au plus haut degré d'incandescence et donc de pureté, l'héroïsme (cette sorte d'héroïsme que l'on peut admirer sans restriction) avec l'idiotie. Peut-être même qu'elles les réconcilient. Et cela, non par inadvertance ou maladresse, mais par la volonté des acteurs de cette histoire eux-mêmes qui avaient choisi de marquer leur épopée du coin de l'idiotie, de la façon la plus publique, à la radio. Ainsi, sans doute avaient-ils le souci de rappeler ce que fut leur faiblesse et leur dénuement initial et les sarcasmes dont ils furent d'abord l'objet, la bêtise dominante à laquelle ils opposèrent leur idiotie héroïque.
Sans doute aussi, nombre d'entre eux avaient-ils contracté, cette fatale maladie qui avait terrassé Bouvard et Pécuchet lorsque : « une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer».
Roger Rotmann
Quand
À partir de 19h30