Exposition / Musée
Æther
Une proposition de Christoph Keller
16 févr. - 7 mars 2011
L'événement est terminé
Christoph Keller s'aventure dans l'éther et les états altérés de la conscience dans
l'Espace 315. L'artiste allemand y installe Æther, une plate-forme où se vivent
expériences artistiques et scientifiques, documentation et oeuvres graphiques,
conférences et projections, autour de ce thème mystérieux de l'Æther, quintessence
fantasmée depuis l'Antiquité. Les disciplines s'entrecroisent pour explorer différentes
sphères de l'art et de la science.
A la croisée de l'art et de la science, l'artiste allemand Christoph Keller
s'aventure dans l'éther et les états altérés de la conscience.... L'Espace 315 du Centre
Pompidou se transforme en laboratoire où se croisent artistes et scientifiques :
expériences visuelles et projections interfèrent avec des œuvres étonnantes. Christoph
Keller a conçu une « plate-forme » d'où il mène expériences artistiques et expériences
scientifiques, où les archives, films et objets se mêlent autour de la notion
mystérieuse d'« Æther ». Une idée qui se dévoile au travers les œuvres et objets
exposés, les projections ou les conférences et discussions quotidiennes (Une œuvre
parlée à 14h -artistes, scientifiques, critiques et historiens viennent débattre du
cinquième élément, œuvres à l'appui ; L'éther au cinéma -un programme conçu pour
l'exposition par Christoph Keller et Matthieu Orléan) à 17h30). Il met en évidence la
manière dont la science et l'art s'attachent à figurer l'inconnu, et tracent de
possibles interprétations entre cosmologie et conscience.
Avec les œuvres de : Berenice
Abbott, Craig Baldwin, Daniel Baumann, Stephen Beck, Hannes Beckmann, Wallace Berman,
Etienne-Louis Boullée, Louise Bourgeois, Brassaï, Jean-Louis Brau, Paul Bush, Mariana
Castillo Deball, Vija Celmins, Bruce Conner, Tony Conrad, Russell Crotty, Guillaume
Désanges, René Descartes, Marcel Duchamp, Emeric Feher, Robert Fludd, Lucio Fontana,
Gisèle Freund, Cyprien Gaillard, Georges Guilpin, Brion Gysin, Johan Grimonprez,
Anneliese Hager, Gary Hill, Christoph Keller, Willy Kessels, Joachim Koester, Svetlana
et Igor Kopystiansky, Thierry Kuntzel, Claude Lévêque, Len Lye, David Maljkovic,
Etienne-Jules Marey, Duane Michals, Henri Michaux, Laszlo Moholoy-Nagy, Laurent
Montaron, Man Ray, René-Jacques, Evariste Richer, Ugo Rondinone, Thomas Ruff, Armando
Salas Portugal, Karl Sims, John Smith, Keith Sonnier, Willem van Swanenburg, Fred
Tomaselli, Etienne-Leopold Trouvelot, Tunga, Raoul Ubac, Velu Viswanadhan, Apichatpong
Weerasethakul, WGBH...
Entretien avec Christoph Keller
Jean-Marie Gallais : Qu'est ce
que l'Aether, Christoph Keller ? Pourquoi vous intéressez-vous à cette notion au point
d'en faire le thème de votre intervention et de vos invitations ?
Christoph Keller : Je
pense que l'un des enjeux centraux de l'art aujourd'hui est de tenter de répondre à la
question : où sommes-nous ? Maintenant que le passage dans un nouveau millénaire est
franchi, d'où parlons-nous ? La proposition « Aether » s'appuie sur cette question, et
considère l'Aether comme une métaphore de l'inconnu. L'Aether, c'est le vide,
l'innommable qui nous entoure. La notion est ancienne, et j'utilise volontairement
l'orthographe issue du grec. Pour Platon puis Aristote, c'est un cinquième élément,
s'ajoutant aux quatre fondamentaux (terre, eau, air, feu), - ce qui donnera d'ailleurs
plus tard le mot « quintessence ». Aristote parle d'un élément faisant circuler les
autres éléments ; on le perçoit alors plutôt comme l'expression d'une énergie. Cela nous
ramène jusqu'à la modernité et au XXe siècle, où deux conceptions s'affrontent face à
l'inconnu : l'une voit l'« Éther » comme une énergie vitale, et l'autre comme une
abstraction des sciences physiques (Poincaré et Einstein eurent de grandes discussions
sur l'existence ou l'inexistence de l'éther). Mais on voit que dans tous les cas,
l'Aether est lié à l'inconnu, c'est ce qui m'intéresse.
JMG : Les scientifiques sont
désormais gênés lorsqu'on emploie ce terme, car l'inexistence d'une telle « essence » a
été rationnellement prouvée. Et pourtant, les mêmes évoquent avec beaucoup de prudence
un hypothétique « nouvel éther » dans l'infiniment petit et l'infiniment grand.
CK : Les
physiciens ont une idée bien précise et distincte de ce qu'est l'éther : une conception,
valable un temps, un « outil » majeur de l'histoire des sciences. Mais la notion
d'Aether offre pour l'art la possibilité de questionner quelque chose d'inconnu de
manière poétique. Et c'est le rapprochement de ces deux univers qui est intéressant :
quand l'art parle de la science, c'est évidemment avec ambiguïté et polysémie.
JMG :
Dans le projet que vous agencez ici, vous parlez aussi d'« états de conscience altérés
ou modifiés », de quoi s'agit-il ?
CK : Aether induit aussi pour moi, l'idée de
perception augmentée. L'Aether grec a une connotation divine, il est lié au ciel. On
peut entrer en communication avec lui dans un état second. Or la science du XXe siècle a
analysé ces états seconds pour leur trouver une explication rationnelle : transe,
hypnose, sentiment océanique, lévitation, etc. Aujourd'hui, cette conception de la
science a changé, elle pose de nouvelles questions. L'Aether, c'est à la fois quelque
chose de gigantesque qui nous dépasse et qui semble lointain, et en même temps quelque
chose d'intérieur, comme la base de notre esprit. La notion d'Aether relie ces deux
extrémités de la réalité.
JMG : Cet intérêt et ce goût pour la science et l'expérience
viennent-ils de votre formation scientifique ?
CK : Oui cela vient sans doute pour une
part de mes études en mathématiques et physique, mais ce sont avant tout des choses qui
m'intéressent. Et cela vient aussi de mon expérience de visiteur. Ce qui m'intéresse,
lorsque je vois de l'art, c'est quand je ne me sens pas manipulé, mais invité à un «
voyage » à travers une œuvre. Je considère que la relation entre artiste et spectateur
doit plutôt être de l'ordre de l'expérience mutuelle. L'expérimentation est l'une des
voies les plus intéressantes et fascinantes pour l'art. Proposer une expérience, c'est
pouvoir emmener le spectateur dans un autre endroit mental, totalement inconnu. C'est
l'une des qualités que peut offrir l'art, et c'est sans doute ce qui me guide dans ce
projet.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis