Hors les murs
Tapis volants
30 mai - 21 oct. 2012
L'événement est terminé
Cette transformation de l'espace de la représentation en champ de force que les tapis produisent dans la simultanéité, le film, à l'ère de la reproductibilité, nous a appris à la percevoir dans la succession. Dans le prolongement du Mouvement des images, ce projet s'appuie sur l'intuition que le cinéma ne se réduit pas à l'expérience à laquelle on l'a identifié tout au long du XXe siècle, celle d'une projection dans un espace normé par les lois de la théâtralité, mais qu'il est constitué d'un ensemble de propriétés ou de forces visant à animer les surfaces - défilement, projection, montage - qui, au-delà du dispositif cinématographique traditionnel trouvent dans l'organisation du tapis une forme de modèle.
Commissaire Philippe-Alain Michaud
Qu'est-ce qu'un tapis volant ? On peut multiplier les hypothèses relatives à sa
présence, dans la tradition orientale, et associer les thèmes de la lévitation
et du transport qui lui sont liés à la prière ou à la guerre, à la magie ou au
nomadisme (selon la belle hypothèse de Sergio Bettini, le tapis n'est pas un
objet mais un lieu : il est la maison de celui qui n'a pas de maison mais plus
profondément, le tapis volant est d'abord une métaphore du tapis lui-même. Si,
pour la tradition moderniste, il a pu servir de paradigme à l'affirmation de la
planéité en peinture, il peut aussi être envisagé, à rebours, comme un
dispositif de mise en mouvement des surfaces qui, en utilisant les propriétés
de l'expansion, de la rotation et du défilement produit des effets de
flottement, de désorientation ou de déséquilibre : bordures imbriquées qui
estompent la notion de limite et suggèrent un prolongement virtuel, indéfini,
du tapis au-delà de ses propres bords ; intrication d'entrelacs et d'arabesques
où le regard se perd ; superposition de trames en treillis et en semis
associant, dans une unité optique contradictoire, division géométrique du champ
et dispersion aléatoire des motifs ; alternance de formes positives et
négatives à la surface du champ suggérant un creusement en profondeur. En bref,
l'économie visuelle du tapis repose sur un jeu de propriétés plastiques qui
mettent en question la stabilité de la surface, la limitation du champ ou la
bidimensionalité du plan.
Cette transformation de l'espace de la représentation en champ de force que les
tapis produisent dans la simultanéité, le film, à l'ère de la reproductibilité,
nous a appris à la percevoir dans la succession. Dans le prolongement du
Mouvement des images, ce projet s'appuie sur l'intuition que le cinéma ne se
réduit pas à l'expérience à laquelle on l'a identifié tout au long du XXe
siècle, celle d'une projection dans un espace normé par les lois de la
théâtralité, mais qu'il est constitué d'un ensemble de propriétés ou de forces
visant à animer les surfaces - défilement, projection, montage - qui, au-delà
du dispositif cinématographique traditionnel trouvent dans l'organisation du
tapis une forme de modèle.
L'exposition se propose de rassembler et confronter des tapis réels, qui par
leur fonction (tapis de prière, tapis de guerre, tapis jardins), leur texture
(tapis de soie bouqalemoun aux chromatismes indécidables) ou leur composition
(en grille, en semis, centrés autour d'un médaillon) produisent un effet
d'animation des surfaces et des films qui se trouvent ainsi reconsidérés à la
lumière de l'ornemental : films réalisés selon la technique des batiks (Harry
Smith, Abstractions), compositions monochromes évoquant les tracés linéaires
indéfinis des couvertures navajos (Paul Sharits, Nothing), pellicule sur
laquelle des brins d'herbes, des feuilles et des élîtres d'insectes sont
directement collés comme un équivalent filmique des tapis_jardins (Stan
Brakhage, Mothlight) inversions positifs/négatifs produisant un effet identique
à celui des motiifs rentrants (Peter Kubelka, Adebar), imbrications de bordures
(Hans Richter, Rythme 21)...
Des œuvres contemporaines qui utilisent les propriétés formelles des tapis pour
dynamiser le plan ou le dissoudre seront également présentes : quadrillage et
répétition modulaire (sols de Carl Andre), effets de lévitation ou de
suspension (Hans Haacke, Blue Sail), compositions en médaillon (Zilvinas
Kempinas, Flying Tape), dispersion d'éléments sur un champ ouvert (Taysir
Batniji, Hannoun), etc. Un tableau florentin du XVe siècle dialoguera avec des
tableaux contemporains de Jugnet + Clairet.
L'exposition comportera enfin une dimension sonore, avec la présentation d'une
pièce musicale de Morton Feldman qui, s'inspirant de la collection des tissus
coptes du musée du Louvre et de la composition des tapis, substitue à la
notion de composition celle de champ temporel.
À l'occasion de l'ouverture en nocturne, chaque jeudi, des galeries de
l'exposition Tapis volants, cinq séances de cinéma seront proposées entre juin
et septembre 2012.
Exposition réalisée en collaboration avec le Centre Pompidou, les Abattoirs -
Frac Midi-Pyrénées, le Musée des textiles de Lyon, le Musée Jacquemard André,
le Musée du quai Branly et Amundi.
Infos
mercredi 30 mai - dimanche 21 octobre 2012
10h45-13h00; 14h00-19h00 [fermé le lundi]
nocturne le jeudi jusqu'à 21h00
billet d'entrée à la Villa Médicis
[incluant la visite guidée des jardins et la visite libre de l'exposition]
9 euros [plein tarif] - 7 euros [tarif réduit]
entrée de l'exposition
6 euros [plein tarif] - 4,50 euros [tarif réduit]
3 euros [moins de 25ans] | entrée gratuite pour les moins de 10 ans
Rome - Villa Medici
Quand
10h45 - 19h, tous les jours sauf lundis
Où
Villa Medici, Rome