Débat / Rencontre
Selon Yve-Alain Bois
Retour sur le signifiant
12 - 21 juin 2013
L'événement est terminé
Yve-Alain Bois, professeur à l'Institute for Advanced Study de Princeton, historien de l'art et commissaire d'expositions, est invité à concevoir une série de six soirées mettant en lumière certaines de ses préoccupations et recherches actuelles.
Yve-Alain Bois, professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton, historien de l’art et commissaire d’expositions, est invité à concevoir une série de six soirées mettant en lumière certaines de ses préoccupations et recherches actuelles.
Jean-Pierre Criqui - En quoi peut-on considérer que le programme que vous avez élaboré prend acte d'un renouveau de la discipline que l'on nomme histoire de l'art ?
Yve-Alain Bois - Je ne parlerai que de la situation américaine, la seule que je connaisse vraiment. On s’est beaucoup moqué en France de l’obsession du « politiquement correct » et de l’engouement pour la « French theory » qui ravageaient le monde universitaire américain pendant les années 80 et 90. Mais une fois l’orage passé on s’aperçoit que les effets en ont été très salutaires. Premièrement, il y a eu un grand coup de balai : l‘histoire de l’art antiquaire n’a pratiquement plus pignon sur rue. Deuxièmement, ce verrou ayant sauté, les grands affrontements idéologiques des années 80 et 90 (par exemple entre l’histoire sociale et le formalisme) ont revitalisé un aspect essentiel des institutions du savoir qui avait été artificiellement réprimé : celles-ci ne sont pas pyramidales aux USA—elles ne fonctionnent jamais mieux que lorsqu’une pluralité de centres sont en compétition les uns avec les autres. Troisièmement, cette compétition, au départ très acerbe, est au fil du temps devenue dialogique, dialectique : non seulement les gens s’accordent sur leur désaccord, mais des méthodologies autrefois incompatibles s’affinent, se croisent et s’échangent à l’occasion. Le résultat de tout cela est un retour décomplexé, je dirais même heureux et enthousiaste, à la case départ : l’objet et son inscription dans le contexte de son apparition.
JPC - On notera la présence, au fil de ces séances centrées sur l'art contemporain, du cinéma ou de l'art du XVIIIe siècle, mais pas de formes dites « populaires » ou liées à l'industrie culturelle. Est-ce un hasard ?
Y-A B - A mon sens, les cultural studies ont eu un effet très négatif, pas tant sur l’histoire de l’art que sur les études cinématographiques. Ce qui se présentait au départ comme une critique idéologique des productions de l’industrie culturelle a débouché sur une fascination béate pour un domaine aux contours de plus en plus flous (celui de « l’image ») mais dont, par réaction, les critères de différenciation se faisaient de plus en plus spécifiques. Les cultural studies, avec leur obsession référentielle, leur balkanisation identitaire et leur fantasme de démocratisation absolue, avaient complètement atomisé la recherche sur le cinéma. Laisser tomber les pâtes Panzani pour s’occuper de Vertov ou d’Ozu me semble être une bonne stratégie de résistance en ce moment.
JPC - Au vu de la situation de l'art actuel et des discours qui l'accompagnent, y a-t-il encore lieu de parler de « postmodernisme » ?
Y-A B - Je n’ai jamais trouvé ce concept utile, et aujourd’hui encore moins que jamais. Il est évident que les modes de production et surtout de distribution des objets culturels ont changé radicalement depuis 20 ans, mais je ne suis pas convaincu que ces changements signalent la fin du mode de réflexivité propre à ce que l’on nomme le modernisme.
Propos recueillis par Jean Pierre Criqui, responsable du service de la parole et rédacteur en chef des « Cahiers du musée national d’art moderne », Centre Pompidou
Cycle du 12 au 21 juin 2013, 19h, Petite salle et Ciné 1
entrée libre dans la limite des places disponibles
Renseignement :
Christine Bolron, 01 44 78 46 52, christine.bolron@centrepompidou.fr
Pour recevoir les annonces de nos soirées :
Christine Bolron, parleaucentre@centrepompidou.fr
Quand
tous les jours sauf mardis