Débat / Rencontre
Le multiculturalisme en questions : compliquer l'universel
18 nov. 2013 - 21 mars 2014
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« L'approche multikulti a échoué, complètement échoué » disait Angela Merkel en 2010. Pourtant, que « plusieurs cultures coexistent dans une société ou un pays », puisque telle est la définition que le Larousse donne du multiculturalisme, n'est pas une idée mais un fait. Il y a des cultures, comme il y a des langues. Il s'agit de savoir ce qu'on fait avec ce fait, quelle valeur on lui donne, comment on le fait jouer, comment on le travaille.
« L’approche multikulti a échoué, complètement échoué » disait Angela Merkel en 2010. Pourtant, que « plusieurs cultures coexistent dans une société ou un pays », puisque telle est la définition que le Larousse donne du multiculturalisme, n’est pas une idée mais un fait. Il y a des cultures, comme il y a des langues. Il s’agit de savoir ce qu’on fait avec ce fait, quelle valeur on lui donne, comment on le fait jouer, comment on le travaille. À quel moment une culture est-elle perçue comme autre, et qu’est-ce d’ailleurs qu’une culture? Les questions posées par le multiculturalisme sont lourdes, y compris philosophiquement. Et les réponses sont graves, y compris politiquement. Communautarismes, assimilations, intégrations, replis identitaires, discriminations : entre globalisation et nationalisme, il arrive que les idéologies se brouillent et les fronts se renversent. Qui sommes-nous ? Qui sont les autres ? Vouloir les différences et faire du commun, penser ensemble le même et l’autre, les identités et les différences, ne pas cesser de les redéfinir, de les faire interagir : c’est peut-être la plus ancienne quadrature du cercle démocratique, c’est en tout cas l’un des problèmes les plus aigus, à l’échelle de la France, de l’Europe et du monde.
Au fondement des difficultés à penser le multiculturalisme, se trouve la conception que l’on se fait de l’universel. Les polémiques les plus violentes me paraissent souvent pouvoir se réduire à une proposition comme : mon universel est plus universel que le vôtre. Je voudrais prendre appui sur la sophistique, que la grande tradition philosophique repousse comme relativiste, et sur la pratique de la traduction, qui est peut-être aujourd’hui l’un des meilleurs paradigmes pour les sciences humaines, pour compliquer l’universel, le mettre en question, en questions. Telle est peut-être, d’ailleurs, la tâche d’une femme-philosophe, pour autant que le terme ne fasse plus oxymore.
J’ai choisi trois points de départ emboîtés. Avec l’ethnopsychologue Vinciane Despret, nous chercherons à penser à nouveaux frais l’opposition frontale entre universel et relativisme pour travailler à partir du, ou mieux des « nous », les conditions et les effets d’un relativisme conséquent. Avec l’helléniste et latiniste Florence Dupont, spécialiste de Rome, nous verrons comment la question des fondations, des cultures multiples, des langues multiples, inspire dans l’Antiquité des stratégies remarquables et qui nous aident à inventer. Avec les philosophes Étienne Balibar et Souleymane Bachir Diagne, qui ont tous deux participé à la grande adaptation américaine du Vocabulaire européen des philosophies, Dictionnaire des intraduisibles qu’est le Dictionary of Untranslatables, Translation-Transnation, nous prendrons l’angle de la traduction pour latéraliser l’universel et mettre en mouvement le rapport différentiel aux cultures.
C’est de politique et de politiques qu’il s’agira bien sûr tout au long.
Barbara Cassin
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