Exposition / Musée
Judit Reigl
Autour de la Donation Gorelli
15 juin - 25 juil. 1994
L'événement est terminé
Cette exposition est consacrée au peintre Judit Reigl.
La présentation de ses œuvres, issues de la donation faite par Maurice Goreli en 1990 et 1992, et complétées par le prêt d’autres œuvres par l’artiste […], permettra de saisir les jalons essentiels de cet itinéraire sans équivalent dans la peinture d’aujourd’hui.
Judit Reigl, née en 1923 en Hongrie, a fui clandestinement son pays en 1950. La découverte du surréalisme et l’expérimentation de l’écriture automatique la conduisent à l’abstraction à partir de septembre 1953.
Concevant son œuvre par séries, elle en accepte les contraintes et les conséquences imprévisibles (y compris la réapparition de la figure humaine à plusieurs reprises dans son travail depuis 1966), et en fait le bilan rigoureux dans ses écrits.
En voici quelques extraits :
Sur la série « HOMME » (1966-70)
Exclusivement de la peinture abstraite. Pendant 13 ans. Une sorte d’écriture en masse, sur fond blanc. A partir de février 1966, cette même écriture se métamorphosait indépendamment de ma volonté, plutôt contre celle-ci, en forme de plus en plus anthropomorphe, en torse humain. […]
Sur la série « GUANO » (1958-65)
[…] Pour protéger un parquet neuf, je l’ai couvert de plusieurs couches de toiles ratées (les signes sur fond blanc qui ne tolèrent pas la correction). Sur ces couvre-sols improvisés, j’ai travaillé, marché, déversé de la matière picturale qui coulait, imbibait, s’écrasait sous les pieds. Ces guenilles excrémentielles se transformaient lentement au cours des années en couches stratifiées, comme le guano des) îles. […]
Je les ai reprises systématiquement à partir de 1962. […] Une couche finale – blanche dans la plupart des cas – enlevée aussitôt par raclage et qui laissait un striage et un voilage opaque : « une couche de fond » en somme.
In cat. expo, Judit Reigl, Galerie Rencontres, Paris, 1973.
Sur la série « DEROULEMENT » (1973-85)
Il s’agit essentiellement de l’espace réel, de l’épaisseur, profondeur physique d’une toile vierge, très fine, sans apprêt.
Il s’agit aussi d’un mouvement réel, physique, qui se déroule dans l’espace-temps : je marche, longeant la toile, la touchant, l’effleurant avec un pinceau trempé dans la peinture glycérophtalique qui s’inscrit dans la toile littéralement et la pénètre en même temps transversalement. Volume en devenir, visible à l’endroit comme à l’envers. […]
Le plus souvent, je combine les deux procédés, à l’envers comme à l’endroit, dans un équilibre instable et précaire au seuil de l’apparition/disparition, à la frontière de la naissance et de la mort. Il faudrait avoir deux vies.
In cat. expo, Judit Reigl, Galerie Rencontres, Paris, 1973.
Sur la série « ENTREE-SORTIE » à « FACE A… »
[…] La série Entrée-Sortie (1986-88) a commencé avec des tableaux ratés du Déroulement et des séries ultérieures.
Ils ont déjà une structure donnée que je solidifie par les couches successives. Lentement, ontologiquement, une construction architecturale émerge. Puis soudain deux ans plus tard, surprise : la figure humaine apparaît, s’impose, d’abord statique, debout. Je l’efface, elle réapparait. […] La surface devient un véritable palimpseste.
In Entretien avec Yves-Michel Bernard, Kanal, n°6, mars 1990.
L’évasion de Hongrie
[…] Mais déjà cette terre glacée en bordure du no man’s land me semble douce et ouverte. Je suis libre… libre ! Vertigineusement… A quelques pas, mais simultanément à mille années-lumière de tout lieu où le temps légal est imposé. Intacte dans mon corps. Pas sautée sur les mines ni frappée par les balles. Les 30 km de zone russe seront donc une agréable promenade nocturne. Aller à pied jusqu’à Paris… voir l’Océan… Connaître… Faire la peinture comme je l’entends… Personne ne me demandera plus de peindre le portrait géant de l’idole moustachue ni d’annoncer la théorie auto-punitive de son acolyte Jdanov. […] J’ai quitté un bloc pour n’appartenir à aucun autre. Ni exilée, ni émigrée, ni intégrée. Transnationale.
In Art Press International, n°5, mars 1977.
La Trace
[…] La trace est équivalent à l’être pour moi. Elle en est la conséquence, comme le resurgissement est conséquence de l’ensevelissement. […] Au fond, ce que j’ai cherché, et qui me préoccupe toujours, c’est une possible continuité de la trace de l’être, de l’esprit d’une œuvre, d’une pensée, d’une action qui, après rupture, terme ou fin, en apparence définitive, rejaillit, renaît d’une façon inattendue, abrupte, ailleurs […].
In Entretien avec Christian Sorg, Documents sur…, n°2/3, octobre 1978.
A travers cette exposition, Judit Reigl nous livre l’exemple d’une artiste hors de toute compromission, dont la règle est la fidélité sans faille à elle-même.
D’après Jean-Paul Ameline et Judit Reigl, Le Magazine, n°81, 15 mai-15 juillet 1994
Quand
tous les jours sauf mardis