Exposition / Musée
L'univers d'Hergé
11 nov. - 7 déc. 1987
L'événement est terminé
Cette exposition est une invitation au voyage sur la planète Hergé.
Ne serait-il pas plus juste de parler d'une aventure à travers la constellation Hergé? L'oeuvre est si vaste, les thèmes si nombreux, la démarche de l'auteur si originale ainsi que sa vision du monde complexe comme une vie, qu'il faut se limiter à une évocation. Tant mieux si elle donne à chacun le désir de retourner aux sources, de s'y plonger, regard et coeur éveillés et de découvrir qu'il s'agit de bien autre chose qu'un divertissement pour enfant. "Sans le vouloir et sans le savoir, j'y ai mis ce que je pensais, ce que je sentais, ce que j'étais" disait Hergé à Numa Sadoul.
A nous alors de décrypter, comme on le fait pour les hiéroglyphes, ces très anciennes B.D. Et l'on verra que cette longue histoire d'un enfant-jeune-homme, qui se déploie sur 50 années et en 23 albums, est plus qu'une aventure à travers le monde pour dénoncer l'injustice et la stupidité, qu'une "éducation sentimentale", plus qu'une recherche de trésors c'est une dramaturgie de la vie en quête de plénitude, c'est un chemin vers l'intérieur, une démarche vers soi ne relevant ni du savoir ni de la foi, mais de l'imaginaire. Hergé était tout entier dans son oeuvre, jouant un grand jeu scout et humain, le jeu de la vie qui est "la vallée où se façonnent les âmes" - John Keats. Il a renouvelé dans un langage d'une extrême richesse, complexe et lourd de symboles, le mythe du Graal. Il s'est inventé une écriture, celle de l'image et du texte, l'un portant l'autre, d'une efficacité telle qu'il a construit un univers où chacun, en le suivant, retrouve son centre où naissent les rêves et les désirs. Parcourant ces aventures, au lieu de tourner en rond, nous retrouvons le temps linéaire, eschatologique, qui débouche sur quelque chose un aboutissement, un accomplissement. Et comme Hergé, durant les dernières années de sa vie : "Satisfait et tranquille, Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin" Jean de La Fontaine "Le Philosophe scythe". Hergé (1907-1983) est certes l'auteur des albums de Tintin, ce monde qui se suffit à lui-même : monde dans le sens étymologique d'ensemble harmonieux parce que ordonné et beau.
Il ne faut cependant pas oublier d'autres oeuvres : Quick et Flupke, gamins de rue bruxellois, anarchiques effervescents qui s'en prennent à l'ordre des adultes (le sérieux, la loi, la police, les parents, l'école, la politique). Popol et Virginie chez les Lapinos, essai d'une B.D. animalière, incursion de Hergé dans un monde purement imaginaire. Jo, Zette et Jocko ou les aventures d'une famille moderne.
Ces oeuvres, pour atteindre leurs qualités humaines et graphiques, n'ont pu que s'enraciner dans un buissonnement d'exercices de style, de recherche presque mystique de la ligne la plus évidente que sont les mille travaux conduits parallèlement : mise en page, publicité, illustrations, lettrage, affiches etc. débuté sa démarche, cours de parution de éditions Rombaldi.
Tous les thèmes que l'on découvrira dans Tintin se retrouvent épars dans tout ce qui a précédé : la fidélité et le goût des responsabilités du Boy-Scout, le sens du mystère des Peaux-Rouges, la philosophie, la politique, la communication et les médias, la lutte entre bons et mauvais, les sciences, l'aventure et l'amitié, la fascination de la vitesse et du mouvement, l'humour et l'art parmi d'autres.
Hergé s'est fait la main dans les revues du "Boy-Scout Belge", de "l'Action Catholique", dans le journal "Le Vingtième Siècle" et ses suppléments "Votre Vingtième Madame", 'Le Vingtième Artistique et Littéraire" et "le Petit Vingtième". Ces travaux multiples furent des affluents nourrissant le grand fleuve qu'est Tintin. C'est pourquoi l'oeuvre a tant de strates, et peut être lue "littéralement et dans tous les sens" - Arthur Rimbaud. L'exposition qui tente d'évoquer cet univers veut le rendre présent et plus encore son auteur Hergé, dans l'espoir d'atteindre Georges Remi et de le reconnaître.
Rémy Cornerotte
Quand
tous les jours sauf mardis