Exposition / Musée
Hervé Fischer et l'art sociologique
15 juin - 11 sept. 2017
L'événement est terminé
Le Centre Pompidou consacre une exposition à l’œuvre du Franco-Canadien Hervé Fischer. Artiste, sociologue, penseur, chercheur, Fischer, à partir de son concept d’art sociologique initié dans les années 1970, questionne aujourd’hui les technologies digitales. L’exposition, présentée en trois volets, s’ouvre sur l’œuvre de l’artiste du début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, puis explore son travail de la fin des années 1990 à aujourd’hui, pour se consacrer en conclusion aux pratiques numériques et à une réflexion autour de leurs nouveaux usages.
Sophie Duplaix - Qu’est-ce que l’art sociologique ?
Hervé Fischer - Il s’agit du rapport de l’art avec la société. Dans les universités, on parle de sociologie de l’art pour expliquer comment la société détermine la pratique artistique. J’ai enseigné cela à la Sorbonne. Et j’ai pensé qu’on pouvait retourner le concept et développer un « art sociologique ». […] Il s’agissait d’inventer un concept comme il y a eu l’art conceptuel ou le cubisme, avec une pratique qui lui corresponde, développée en dehors des institutions, dans la rue, à la campagne, dans les médias. […] L’art sociologique est un questionnement sur une vision du monde, sur des valeurs, sur des engagements.
SD - Beaucoup d’expériences ont été faites sur le terrain ainsi qu’au sein de l’École sociologique interrogative à Paris. Comment a-t-elle été créée ?
HF - J’ai trouvé à Paris un espace dont j’ai pu faire l’acquisition et que j’ai transformé moi-même […]. Ce n’était pas très longtemps après Mai 68. L’art sociologique est beaucoup lié aux questionnements du mouvement situationniste. Je n’ai pas fait la révolution dans la rue, mais j’étais fasciné par l’événement et le slogan de l’imagination au pouvoir. C’est alors que j’ai proposé à Fred Forest et à Jean-Paul Thénot, avec qui j’avais fait un collectif d’art sociologique, d’ouvrir dans la cave de ma maison-entrepôt une École sociologique interrogative : artistes, intellectuels, musiciens, beaucoup d’étrangers sont venus nous parler de leur rapport avec la société. […] Je voyais arriver des artistes en quête d’un lieu où poser leur sac à dos et dormir. On a animé cette École sociologique interrogative pendant plusieurs années jusqu’à sa dissolution. Se sont tenus là de beaux débats, des tables rondes, des performances et des expositions […] J’ai voulu appeler ce lieu École sociologique interrogative parce que la sociologie est une pratique de questionnement, parce que c’était un lieu où l’on se questionnait sur les rapports art/société. C’était devenu un rendez-vous de la vie artistique parisienne underground. On a vécu quelque chose de formidable dans ce lieu de discussion, de rencontres, cette fenêtre sur le monde.
SD - À la fin des années 1990, tu reviens à la peinture. Mais pourquoi avec des motifs de codes-barres ?
HF - Nous vivons sur une planète numérique, et j’opte pour ce que j’appelle des « beaux-arts numériques ». Je ne suis pas convaincu par le robinet de pixels qui coule, qu’on consomme, de façon éphémère. Il me semblait qu’il fallait ralentir le temps pour penser. J’ai donc voulu faire un « arrêt sur image » : prendre du recul, repérer et exposer les icônes et les structures du monde numérique. Il y a plus de codes-barres lus en une seconde sur la planète qu’il n’y a eu de crucifix fabriqués pendant 2 000 ans dans le monde entier. C’est une image emblématique du monde actuel, un objet ordinaire, comme une boîte de pilules, une signalisation, un essuie-main. Un objet trivial dont on n’imaginerait pas faire une œuvre. J’ai beaucoup travaillé sur ces codes-barres traditionnels, à lignes verticales, puis sur ceux appelés Quick Response, QR, aux barres horizontales et verticales croisées. J’explore aussi les diagrammes quantitatifs. Quand j’ai pris conscience de ce monde numérique, de ses structures, de ses icônes, cela m’a permis de reprendre l’art sociologique à travers un nouveau langage visuel.
Propos recueillis par Sophie Duplaix, Conservatrice en chef du Service des collections contemporaines, Musée national d’art moderne
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
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David Goldblatt. Structures de domination et de démocratie | Catalogue de l'exposition en anglais
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