Cinéma / Vidéo
Le mythe d’une exposition mythique : Fun and Games
25 nov. 2016
L'événement est terminé
« La plus importante exposition de peinture qui a eu lieu à Paris ces derniers temps se résume à un catalogue de format carré : couverture blanche glacée, avec cette seule mention, au dos, en petits caractères "univers" : Olivier Mosset. » Alain Jouffroy, Opus International, avril 1968.
Réalisé en novembre 1968 dans les espaces de la galerie Rive Droite à Paris occupés par les peintures radicales de l’artiste suisse Olivier Mosset, Fun and Games for Everyone subvertit l’organisation spatiale et la fonction sociale de l’exposition, pour formuler l’hypothèse d’une abolition de l’art. Comme une réponse à la première exposition d’Olivier Mosset qui n’a existée qu’à travers les pages du Catalogue n° 1 publié la même année,Fun and Games for Everyonetranspose la galerie en décor et déplace l’expérience du lieu et des œuvres vers une expérience visuelle et sensorielle du film.
Ancien étudiant en sociologie à Nanterre, Serge Bard, âgé de 21 ans, réalise trois film au sein du groupe Zanzibar en 1968, Détruisez-vous, Ici et maintenant et Fun and Games for Everyone. Au printemps 1969, accompagné de plusieurs membres du groupe dont les artistes Olivier Mosset et Daniel Pommereulle, il part en Afrique pour réaliser un projet de film intitulé Normal. Converti à l’islam à la fin de l’année 1969 à Alger, Serge Bard renoncera au cinéma. Proche d’Olivier Mosset, qui interprétait déjà un rôle dans son premier film Détruisez-nous, Serge Bard fut au centre d’un groupe constitué par Pierre Clémenti, Patrick Deval, Daniel Pomereulle ou encore Sylvina Boissonnas (alias « la patronnesse of the Arts ») qui se réunissait dans l’atelier de Mosset, 31 rue de l’Echaudé, pour des séances de projections de films expérimentaux, dans une veine non lointaine de la Factory warholienne fréquentée par Mosset peu de temps avant.
Photographié par Henri Alekan en noir et blanc polarisé à l’extrême, cette expérimentation cinématographique bichrome produit des équivalents aux œuvres minimalistes peintes par Mosset. Alors que s’active devant la caméra la foule présente à ce vernissage improvisé (Barbet Schroeder, Amanda Lear, Jean Mascolo, Pascal Aubier ou encore Salvador Dalí), les dix toiles du peintre – un cercle noir peint au centre d’un canevas blanc immaculé – agissent comme des amplificateurs sensoriels et psychiques d’une exposition transformée par ce film en expérience psychédélique et révolutionnaire.
« C'est la révolution qui critique l'art et la peinture... Et Serge qui critique le Cinéma! » Jackie Raynal.
« Je ne fais pas d’exposition (si on me le proposait, peut-être en ferais-je) mais j’ai pensé qu’il serait aussi intéressant de faire un catalogue sans exposition. Cela fait partie de mon activité de peintre, mais c’est sans doute aussi un acte autobiographique, puisque ce catalogue contient des reproductions, un entretien, des renseignements autobiographiques, mais qu’il ne contient ou n’est pas une toile. J’aimerais pouvoir vivre de cette peinture. Cela ne changerait évidemment rien à la peinture mais modifierait peut-être mes rapports avec elle. A priori cette peinture n’’a aucune raison d’intéresser quelqu’un, ni plus ni moins qu’autre chose. » Entretien imaginaire avec Serge Bard (Catalogue n°1, 1968).
Serge Bard, Fun and Games for Everyone, 1968, 35mm (sur DCP), nb, son, 54min
La copie du film Fun and Games for Everyone est préservée par la Cinémathèque de Toulouse. Le Centre Pompidou remercie les équipes de la Cinémathèque pour le nouveau scan 2K réalisé spécialement pour cette projection.
Olivier Mosset (né en 1944, Suisse) est un artiste peintre. Figure majeur de l’art contemporain, Mosset vit à Tucson (Arizona). En 1966, il expose au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris et la même année s'associe avec Daniel Buren, Michel Parmentier et Niele Toroni pour former le groupe BMPT. Affirmant que la peinture débute avec eux, Mosset répète à cette époque le même tableau radical et minimaliste, un cercle noir de 15 centimètres de diamètre au centre d’une toile blanche et carrée de 2,50 mètres de côté. A partir de 1974, il articule son œuvre sur un questionnement sans compromis du monochromes, notamment au travers du Radical Painting Group (avec entre autres Joseph Marioni ou encore Marcia Hafif). En 1990, il représente la Suisse à la 44ème Biennale de Venise. En 2003, une rétrospective de son œuvre - Olivier Mosset : Travaux/Works 1966-2003 - a été présentée au Musée Cantonal des Beaux-Arts (Lausanne), et en 2012, une exposition lui est consacrée à la Kunsthalle (Bern). Ses œuvres font parties de nombreuses collections d’institutions comme le Museum of Modern Art (New-York), le Centre Pompidou (Paris) ou encore la National Gallery of Canada (Ontario).
Remerciements : Olivier Mosset, Clément Delépine, Collectif Jeune Cinéma, Cinémathèque de Toulouse
Quand
19h30 - 20h30