Cinéma / Vidéo
Juliette du côté des hommes / Quelque chose de l'arbre, du fleuve et du cri du peuple
22 nov. 2017
L'événement est terminé
Après Femmes d’Aubervilliers tourné en vidéo dans la rue et dans l’élan pour capter une parole spontanée, Claudine Bories choisit un parti pris inverse : elle décide de filmer quelques hommes et seulement des hommes. Elle les filme dans un dispositif construit de parole et de montage. Ce qu'elle cherche à faire émerger, c'est du "masculin intime". Elle veut entendre ce qu’il en est du désir de ces hommes, de leurs espoirs, de leurs peurs. En employant une méthode d’entretien qui s’inspire de la psychanalyse elle tente de solliciter une parole vraie, qui serait celle d’une première fois. Visages filmés en gros plan, confrontés à un univers d’images qui évoque les rôles dans lesquels ces hommes sont enfermés mais qu’il s'agit, le temps du film, de "trahir". Le film est une exploration amoureuse à la rencontre de cet "autre humain" qu'est l'homme pour elle. C’est bien une femme qui interroge des hommes sur leur intimité d’homme, c’est bien à une femme qu’ils acceptent de se livrer, mais c’est une relation d’individu à individu, d’égal à égal qui est filmée, dans un désir de partage et de fraternité.
Quelque chose de l'arbre, du fleuve et du cri du peuple, est tourné au Brésil où Patrice Chagnard voyage pendant trois mois avec une équipe. Guidé par Pedro Casaldaliga, un évêque révolutionnaire, poète et mystique, il rencontre des paysans qui au sein de communautés de base sont engagés dans un mouvement de conscientisation politique. Patrice ne choisit pas seulement de filmer un territoire autre, il s’immerge dans cette réalité lointaine, et la raconte pour témoigner d’un processus politique. Le film est construit en trois chapitres, qui correspondent à trois moments d’un même combat d’émancipation : d’abord le constat d’un désespoir individuel, puis l’émergence d’une parole collective, et enfin un acte de résistance. Trois récits, recueillis dans trois communautés différentes racontent ainsi la naissance d’un peuple ou plutôt la naissance d’un peuple à la conscience d’être un peuple. Le cinéaste accompagne un poète populaire. Ensemble, ils rendent la parole possible parce qu’il sont là pour l’entendre, pour la recueillir, pour en témoigner. Cette parole est d’autant plus précieuse que ces paysans opprimés parlent pour la première fois. Ils cherchent leurs mots, ils s’encouragent les uns les autres, ils doivent vaincre leur peur, car ils savent qu’en parlant ainsi ils prennent un risque. Devant la caméra ils construisent pour eux-mêmes le récit de leur propre histoire. Leur parole est un acte, elle fait partie de la lutte, elle a quelque chose d’universel.
De ces deux films pourtant si différents, on pourrait dire « si loin si proche ». On pourrait aussi y voir une attention commune, une attention à l’écoute et au désir de recueillir une parole émancipatrice, une parole qui advient là, devant la caméra. Une parole qui fait récit. Tous deux tournés en 16 mm, ils ont été primés au festival Cinéma du réel en 1981.
Claudine Bories, Juliette du côté des hommes, 1981, 52'
Grand Prix Cinéma du réel 1981 (Compétition française), Festival de Cannes 1981 (Perspectives du cinéma français), Festival des films de femmes de Créteil 1981
Patrice Chagnard, Quelque chose de l'arbre, du fleuve et du cri du peuple, 1981, 70'
Grand Prix Cinéma du réel 1981 (Compétition internationale), Festivals internationaux de La Havane, Lille, Grenoble 1981
Quand
17h - 19h