Musique
Une page folle
04 juin 2021
L'événement est terminé
En partenariat avec l’Ircam et le festival ManiFeste, le Centre Pompidou présente Une page folle (1926) du réalisateur japonais Teinosuke Kinugasa. Restauré en 2008, ce chef-d’œuvre de l’avant-garde cinématographique japonaise est accompagné d’une création musicale inédite de la compositrice et musicienne japonaise Mayu Hirano.
Réalisée en 1926 par Teinosuke Kinugasa (1896-1982) dans un contexte d’occidentalisation accélérée de la société traditionnelle, Une page folle est une œuvre singulière dans l’histoire du cinéma muet japonais. Le film est la création d’un groupe d’artistes d’avant-garde connu sous le nom de « Shikankaku-ha » (« École des nouvelles perceptions »), qui cherche à rompre tant avec le naturalisme qu’avec les codes de représentation figés encore en vigueur dans l’esthétique cinématographique de l’époque. Yasunari Kawabata, futur lauréat du prix Nobel de littérature en 1968, est crédité du scénario du film dont une version est publiée dans ses œuvres complètes. Cependant, on considère à présent qu’il s’agit d’une collaboration entre Kawabata, Kinugasa et les scénaristes Bankô Sawada et Minoru Inuzuka.
Une page folle, considéré comme le premier film d’un éphémère courant néo-sensationniste, relate l’histoire d’un vieux marin devenu concierge dans un hôpital psychiatrique afin de favoriser l’évasion de sa femme internée après avoir noyé son enfant en cherchant à mourir avec lui. Marquant l’origine de la tradition expérimentale dans la cinématographie japonaise, Une page folle fait de la représentation de la folie un prétexte à des déformations, des surimpressions et des trucages expérimentaux portés par un montage au rythme vertigineux, recourant largement à la technique du flash-back, très inhabituelle dans le cinéma japonais de l’époque. L’éclairage, les décors et la gestuelle des comédiens engagent un dialogue inédit entre les codes du théâtre traditionnel nô et l’esthétique expressionniste qui se développe à la même époque en Allemagne dans la mouvance du Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1920) dont Kinugasa reprend les éclairages antinaturalistes et la thématique de l’hallucination et de la folie. On retrouve aussi dans l’œuvre de Kinugasa l’influence du Dernier des hommes de Friedrich Wilhelm Murnau réalisé en 1924 (« le film parfait », aux yeux de Kawabata qui l’avait vu cinq fois) dans le motif de la déchéance sociale et, sur un plan formel, dans l’absence de sous-titres qui induit un nouveau mode narratif, strictement visuel.
Échec public à sa sortie, le film Une page folle fut longtemps considéré comme perdu jusqu’à ce que Kinugasa, en 1970, n’en retrouve une copie qu’il avait enterrée dans son jardin pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de l’oublier. Restauré en 2008 par Lobster Films, ce film a été acquis par le Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, grâce au mécénat de la Society of Japanese Friends of Centre Pompidou.
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Séance en présence de Philippe-Alain Michaud (conservateur, Musée national d’art moderne) et de Mayu Hirano (compositrice et musicienne).
Une page folle, film de Teinosuke Kinugasa, 1926 (version restaurée), film 35mm, noir et blanc, muet, 67 minutes
Don de la Society of Japanese Friends of Centre Pompidou, 2019
Musique de Mayu Hirano – création 2021
Commande de l’Ircam-Centre Pompidou
Dionysios Papanicolaou : réalisation informatique musicale Ircam
Teinosuke Kinugasa (1896-1982), réalisateur. Après avoir été acteur ( « onnagata » très exactement, c’est-à-dire acteur spécialiste des rôles féminins), Teinosuke Kinugasa aborde la réalisation en 1922, et tourne notamment La Mort de ma sœur, Deux petits oiseaux et L’Étincelle. Une page folle (1926) reste un film clé dans l’histoire du cinéma japonais et ressemble, a bien des égards, aux essais des avant-gardistes européens et soviétiques de la même époque. La filmographie complète de Kinugasa compte près de cent cinquante films, parmi lesquels : Les 47 Ronin (1932), La Bataille d’été à Osaka (1937), La Porte de l’enfer (1953) qui lui vaut le Grand Prix au festival de Cannes 1954, Le Héron blanc (1958), Okoto et Sasuko (1961).
Mayu Hirano (née en 1979), compositrice. Elle étudie la musicologie à l’Université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo Geidai, puis la composition et l’électroacoustique avec J.-L. Hervé et Y. Maresz au conservatoire de Boulogne-Billancourt. En 2014, elle intègre le Cursus de l’Ircam où elle réalise son diptyque, Instant Suspendu (accordéon et électronique) et Singularité (accordéon, quatuor à cordes, électronique et vidéo) avec le vidéaste Renaud Rubiano. Elle y interroge la perception du temps, créant une illusion d’éternité qui convoque l’infini temporel par l’étirement de l’instant. Mayu Hirano reçoit des commandes d’institutions telles qu’Ars Musica, Radio France, Art Zoyd studio. Sa musique est jouée par des ensembles tels que Court-circuit, Talea, le Quatuor Tana et UC Davis Symphony Orchestra.
Dionysios Papanikolaou, réalisateur en informatique musicale Ircam. Auteur-compositeur, performeur, producteur et réalisateur en informatique musicale (RIM). En 2007, il s’installe à Paris afin de poursuivre des études en musique instrumentale et électronique (BBCNR, Paris- VIII, PSPBB, Ircam). Il a travaillé dans plusieurs postes dans le monde professionnel musical : professeur (université G. Eiffel), en production avec plusieurs compositeurs et groupes, RIM (Ircam) ; et dans des contextes différents : concert, théâtre, installation, danse, vidéo, cinéma. Son langage musical est marqué par la culture électro et la performance. Ses idées combinent la composition traditionnelle et la composition assistée par ordinateur, les live electronics et l’improvisation sauvage dans un réseau complexe analogique, digital et modulaire. Il a travaillé dans le contexte de musique-concert. Ses œuvres sont présentées lors de différents festivals et concerts en France, Angleterre, Grèce, Allemagne, Autriche, Finlande.
Quand
19h - 20h30
Où
Partenaires
Dans le cadre de
Teinosuke Kinugasa, Une page folle, 1926. Don de la Society of Japanese Friends of Centre Pompidou, 2019 (Photogrammes)
© droits réservés © photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Hervé Véronèse/Dist. RMN-GP