Cinéma / Vidéo
De main en main : trajectoires d'objets
Sous la direction d’Akram Zaatari
08 déc. 2021
L'événement est terminé
Les objets changent de fonction et par conséquent de valeur et de statut au fil du temps. Ils sont parfois stockés, vendus ou achetés, enterrés ou en circulation dans des réseaux de trafic d’art et, finalement, extraits de constellations plus larges ou d'un tissu vivant. Les objets passent ainsi de main en main, ce qui enrichit leurs biographies. Ils sont déplacés, donnés, étudiés, copiés, reproduits ou exposés.
Cette journée d’études examine les mécanismes qui accompagnent ces changements de propriété et de valeur à travers des œuvres d'artistes contemporains. Du buste de Néfertiti étudié par Jean-Christophe Bailly, à l'occupation des territoires palestiniens explorée par Avi Mograbi, un aller-retour dans le temps et la géographie se profile à travers ces œuvres. Nous aborderons ainsi l’après-vie des objets, l’identité du musée, la temporalité de la perpétuité, et tout ce qui peut nous émouvoir dans l’ensemble de ces déplacements.
Dans le cadre du programme doctoral de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy; Graduate School Humanities, Creation and Heritage
Programme
Matinée (en français, simultaneous english translation)
10h-13h45
10h-10h15
• Accueil, par Marcella Lista (conservatrice en cheffe, service nouveaux médias, Musée national d'art moderne/Centre Pompidou).
• Introduction, par Akram Zaatari (artiste, doctorant, École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy).
Session : La XVIIIe Dynastie à Berlin / Cartographie d'emplacement d'objets archéologiques
10h15-11h35
• Bénédicte Savoy (professeure d’histoire de l’art à l’Université technique de Berlin), Cartographie d’emplacement d’objets archéologiques, 30 minutes.
Trente-deux ans après la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne, Bénédicte Savoy se penche sur l’histoire récente des bustes de Néfertiti et d’Ânkhésenamon. Savoy s’interroge sur le désir du présent de réconcilier le passé.
• Jean-Christophe Bailly (ancien professeur à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage), La XVIIIe Dynastie à Berlin, 30 minutes.
En 1981, Jean-Christophe Bailly repère les bustes égyptiens antiques de Néfertiti et de sa fille Ânkhésenamon dans deux musées différents de Berlin, des deux côtés du mur. Il tente de vérifier si leurs regards se croisent à travers le mur. Il aurait bien érigé un monument pour leur réconciliation, mais il se rend compte que les deux bustes regardent dans des directions opposées.
• Discussion, 20 minutes
Projection de La Momie, Shadi Abdessalam, 1969 (Version restaurée, sous-titres en français, simultaneous english translation).
11h45-13h45
• Introduction par Akram Zaatari
• Projection, La Momie, Shadi Abdessalam, 1969, 102 minutes
Le récit trouve son origine dans un événement réel survenu au cours d’une expédition de l’archéologue français Gaston Maspero dans la vallée des Rois en 1881. Ce dernier préside le Service des antiquités de l’Égypte au Caire et alerte ses collaborateurs de la récente apparition, sur le marché d’antiquités, d’objets qui semblent avoir été dérobés dans une tombe dont l'emplacement était déjà connu des archéologues. Ahmed Kamal, un membre dévoué du comité, remonte le fleuve jusqu'à Thèbes pour découvrir l'emplacement de la tombe secrète et protéger son contenu des pilleurs de tombes.
Pause déjeuner : 13h45-15h
Session : Tracing. tracer, retracer (en anglais, traduction simultanée en français)
15h-17h30
• Introduction par Akram Zaatari
• Amie Siegel (artiste), Provenance, 60 minutes
L’artiste aborde son installation en trois parties intitulée Provenance (2013), qui se concentre sur des objets emblématiques du design moderne du milieu du 20e siècle : les chaises, bureaux et meubles conçus par les architectes suisses Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret pour la ville post-coloniale de Chandigarh, en Inde. La vidéo Provenance révèle le statut désormais rare de ce mobilier initialement utilitaire. Partant de la situation actuelle des meubles – en tant qu’éléments décoratifs de riches demeures à Londres, Paris, Anvers, New York et ailleurs – l’œuvre retrace leur voyage dans une chronologie inverse, passant par des entrepôts, exposés dans des ventes aux enchères américaines et européennes, chez un restaurateur de meubles, sur un cargo et, enfin, de retour à leurs origines à Chandigarh. La session comprend la projection de Provenance, et de LOT 248 (2013).
• Rayyane Tabet (artiste), Alien Property, 2020, 30 minutes
Rayyane Tabet commente son exposition « Alien Property », qui aborde l’histoire des reliefs en pierre du 9e siècle av. J.-C., excavés au début du 20e siècle à Tell Halaf, en Syrie, et leur destruction, perte ou dispersion subséquente dans des collections de musées du monde entier. En examinant le parcours sinueux de quatre de ces reliefs, pour arriver au Metropolitan Museum of Art de New York sous l’égide de l’Alien Property Custodian Act durant la Seconde Guerre mondiale, la présentation met également en lumière le lien très personnel entre ces reliefs et l’artiste.
• Patricia Falguières (professeure à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris), Expropriation. Perpétuité, 20 minutes
Un musée n’est pas une collection ni une collection de collections. C’est une institution, c’est-à-dire un artefact au régime juridique singulier. Son avènement dans l’Europe pré-capitaliste ne s’est pas faite sans heurts ni déchirements. Les enjeux des tensions qui ont accompagné son installation dans la culture européenne se font ressentir aujourd’hui dans le débat sur la prédation coloniale, mais ils lui sont largement antérieurs. Les revisiter pourrait ouvrir de nouvelles pistes à notre réflexion.
• Discussion, 30 minutes
Projection et conversation autour du film d’Avi Mograbi, The First 54 Years: an Abbreviated Manual for Military Occupation (en anglais, traduction simultanée en français)
18h-21h
• Introduction
• Projection du film d’Avi Mograbi, The First 54 Years: an Abbreviated Manual for Military Occupation, 2021, 110 minutes (anglais et hébreu).
Quelle est la signification d’une occupation militaire ? À travers les témoignages des soldats qui l’ont mise en œuvre, le réalisateur Avi Mograbi explique le fonctionnement, la logique, les pratiques d’une occupation colonialiste et déploie un « Manuel abrégé d’une occupation militaire ».
• Conversation avec Avi Mograbi, et discussion, 60 minutes
Biographies :
Shadi Abdessalam
Né le 9 mars 1930 à Alexandrie, après des études à Oxford, Shadi Abdessalam passe par l’Institut des beaux-arts du Caire d’où il sort en 1955, diplômé en architecture. Il opte pour le cinéma, est assistant sur quatre films avant de se voir engager par la Fox comme assistant-décorateur sur Cléopâtre de Mankiewicz (1963). De même, lorsque le polonais Kawalerowicz tourne son Pharaon (1966) ou lorsque l’italien Roberto Rossellini supervise La Lutte de l’homme pour la survie (1967), téléfilm pédagogique : Abdessalam est l’homme par qui la reconstitution historique passe. Si bien que lorsqu’il passe à son tour derrière la caméra, il a, outre sa culture personnelle, une idée de l’état international du cinéma.
Jean-Christophe Bailly
Écrivain, poète et dramaturge, Jean-Christophe Bailly est l’auteur de nombreux livres qui se répartissent entre divers genres, à l’exception du roman. Récits, poésie, théâtre et surtout essais, forment une œuvre multiple et ouverte mais dont le poème – l’idée du poème – constitue le cœur actif. Les essais portent sur les arts mais aussi sur la question animale et sur les formes urbaines, ainsi que sur le langage. Il a notamment publié L’Élargissement du poème (Bourgois, 2016), Saisir (quatre aventures galloises) (Seuil, 2018), Tuiles détachées (Christian Bourgois, 2018), L’Imagement (Seuil, 2020), Naissance de la Phrase (Nous, 2020).
Patricia Falguières
Patricia Falguières est professeure à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess), Paris. Elle a consacré de nombreuses publications à la philosophie de la Renaissance et à la théorie de l’art, ainsi qu’aux versions « Early-Modern » du musée. Elle travaille aujourd’hui sur les implications du concept aristotélicien de Technè dans la culture européenne pré-moderne. Le Display dans ses variations historiques est l’autre axe de ses travaux, qui l’ont menée à créer la collection Lectures-Maison Rouge (J.R.P. Ringier) pour publier en français les oeuvres canoniques de Brian O’Doherty, Carla Lonzi ou Carlo Scarpa. Elle dirige, avec Élisabeth Lebovici et Natasa Petresin le séminaire « Something you should Know : artistes, productrices et producteurs aujourd’hui » et publie régulièrement des études sur l’art et les artistes contemporains.
Marcella Lista
Historienne de l’art et conservatrice en cheffe du service nouveaux médias au Mnam/Centre Pompidou, Marcella Lista a consacré ses premiers travaux de recherche au renouveau de l’œuvre d’art totale dans les années 1908-1914, à travers la perspective des arts visuels et notamment les rapports entre musique et abstraction : L’œuvre d’art totale à la naissance des avant-gardes (éditions de l’INHA, 2006). Son approche de la modernité privilégie, d’une part, une archéologie des nouveaux médias et le rôle de ceux-ci dans la transformation des formes artistiques ; d’autre part, une attention au développement des langages du corps, de la danse et de la performance et leur importance dans l’évolution des arts visuels et du discours sur l’art.
Avi Mograbi
Le cinéaste israélien Avi Mograbi est à la fois réalisateur, acteur, directeur de la photographie, producteur et scénariste. Il réalise ses propres films à partir de 1989. Avi Mograbi poursuit une œuvre sans concession faite de documentaires remettant en cause, notamment, les grands mythes fondateurs de son pays et interrogeant constamment la possibilité pour la création artistique d’être un geste politique. Les films de Mograbi ont tous été programmés dans les plus grands festivals internationaux : Cannes, Berlin, Venise, Rome, New York, Cinéma du Réel ou San Francisco.
Bénédicte Savoy
Ancienne élève de l’École normale supérieure (Fontenay/Saint-Cloud), Bénédicte Savoy est depuis 2009 professeure d’histoire de l’art à l’université technique de Berlin, où elle est titulaire d’une chaire consacrée à l’« Histoire de l’art comme histoire culturelle » (Kunstgeschichte als Kulturgeschichte). Elle est l’autrice de nombreux ouvrages, dont Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800 (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003), et Restituer le patrimoine africain (Le Seuil/Philippe Rey, 2018) avec Felwine Sarr.
Amie Siegel
Amie Siegel (née en 1974 à Chicago, IL) travaille avec différentes pratiques artistiques : entre le film, la vidéo, la photographie, la performance et l'installation. Parmi ses récentes expositions personnelles, on peut compter Medium Cool, Blaffer Art Museum, Houston ; Winter, Guggenheim Museum Bilbao ; Strata, South London Gallery ; Ricochet, Kunstmuseum Stuttgart ; Double Negative, Museum Villa Stuck, Munich ; Provenance, The Metropolitan Museum of Art, New York. Ses œuvres font partie de collections publiques, dont le Museum of Modern Art, New York ; la Tate Modern ; le Whitney Museum of American Art, le Metropolitan Museum of Art et le Solomon R. Guggenheim Museum, New York. Siegel a été boursière du DAAD Berliner-Künstlerprogramm et de la Fondation Guggenheim et a reçu le prix 2021 Foundation for Contemporary Arts Grants to Artists. Siegel vit à New York..
Rayyane Tabet
Rayyane Tabet vit et travaille à Beyrouth. Il est titulaire d’une licence d’architecture de la Cooper Union de New York, et d’un master en beaux-arts de l’Université de Californie à San Diego. Il a montré ses œuvres au sein des récentes expositions « Deep Blues » (Walker Art Center, Minneapolis, 2021), « Alien Property » (The Metropolitan Museum of Art, New York, 2019-2021), « Exquisite Corpse » (Sharjah Art Foundation, UAE, 2021) et « Arabesque » (Storefront for Art and Architecture, New York, 2019), notamment.
Akram Zaatari
Né en 1966 à Saïda, au Liban, Akram Zaatari a étudié l’architecture à Beyrouth et obtenu un master en Media Studies à New-York. En 1997 il participe à la création de la Fondation arabe pour l’image (FAI), une association pour la divulgation du patrimoine photographique qui rassemble une collection d’environ 150 000 clichés sur les portraits réalisés en Moyen-Orient à partir de la fin du 19e siècle. La réflexion autour de la notion d’archive est constitutive de la démarche du vidéaste. Doctorant à la Graduate School, Humanities, Creation and Heritage, sous la direction de François Pernot, CY Cergy Paris Université et la codirection de Bénédicte Savoy, Tecchinische Universität Berlin, et Alejandra Riera, École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy (EnsaPC).
Remerciements : Art Explora, le Festival d’Automne à Paris, Cineteca di Bologna et Les Films d’Ici, ainsi que les galeries Thomas Dane (Londres) et Sfeir Semler (Hamburg / Beyrouth) pour leur soutien. Ce programme a bénéficié du soutien de l’École universitaire de recherche humanité, création, patrimoine (PSGS-HCH) « Investissement d’Avenir ANR-17-EURE-0021 ».
Quand
10h - 20h
Où
Partenaires
Dans le cadre de
Jean-Christophe Bailly, La XVIIIe Dynastie à Berlin, 1981, lithographie sur papier (détail)
Courtesy Atelier Bordas éditeur / Michael Woolworth.