Projection et rencontre
Art brut au Centre Pompidou (AB/CP)
Séance inaugurale : « Rouge ciel » de Bruno Decharme
21 sept. 2023
L'événement est terminé
« L’art brut fait écho aux mondes enfouis en chacun de nous ; pour l’appréhender, cela suppose de s’y plonger, s’y perdre sans retenue. » Bruno Decharme
Rouge ciel, au titre emprunté à Aloïse Corbaz, s’annonce comme un « essai sur l’art brut ». Il y a là un défi presque insensé à se risquer dans de tels tourbillons avec une caméra. Et c’est pourquoi Bruno Decharme, le réalisateur, a-t-il sciemment fait de sa caméra un stylo. Film très écrit, alternant portraits d’artistes et interventions de passionnés d’art brut, cet « essai » explore les œuvres au plus près de leur texture : ainsi d’un robot sur le sol martien. Donnons acte à cette exploration de ne pas user du ton odieux d’un GPS nous indiquant quel itinéraire prendre pour, enfin, tout comprendre. Les angles expressionnistes, le rythme haletant, jusqu’à ces fondus au noir anachroniques, presque angoissants tant on attend de tout film qu’il nous « éclaire » : tout ici est fait pour ne pas laisser au spectateur l’impression qu’après Rouge ciel on aurait tout dit, tout compris de l’art brut. Ici l’accent est mis sur la merveilleuse, la bouleversante découverte. Moment crucial de la rencontre avec le jamais vu, le jamais pensé. Pour autant, semble nous dire Bruno Decharme, le souci de retranscrire « ma » rencontre avec l’art brut manquerait son but si d’autres voix n’intervenaient pas – pour dire que cette rencontre, d’autres aussi l’ont faite, à leur façon : d’où la présence de ceux-là qui, à des titres divers, se déclarent pris, comme dans un filet, par la puissance, la beauté – la vertigineuse complexité parfois, de ces œuvres. L’intervenant capital du film, Michel Thévoz, est ainsi, corollairement, celui dont le visage est le plus travaillé : offert au spectateur au choix comme le visage d’un sorcier – ou celui d’un homme placé, comme il le dit lui-même, entre la « folie », cette ombre, et le « génie », cette lumière.
Il semble bien que Bruno Decharme ne pourra jamais en finir avec ce que la découverte de l’art brut signifie pour lui. Tout l’art de ce film est de nous faire partager cette résonance intime. Qui sait alors. Qui croyait aller aux Indes de l’« art brut » découvrira, peut-être, avec Rouge ciel, les Amériques de l’Homme.
Manuel Anceau (écrivain)
Séance en présence de : Bruno Decharme, cinéaste et collectionneur, Manuel Anceau, écrivain, Sophie Duplaix, conservatrice en chef (Musée national d’art moderne) et Barbara Safarova, essayiste, productrice de films, présidente de l'association abcd (art brut connaissance & diffusion)
Bruno Decharme, Rouge ciel – 2009, 52 min, HD, Dolby E 5.1
Produit et réalisé par Bruno Decharme
Productrice associée : Barbara Safarova
Avec : Aloïse Corbaz, Henry Darger, Adolphe-Julien Fouré, Zdenek Kosek, Alexandre Lobanov, Helen Martins, George Widener
Et les témoignages de : Manuel Anceau, Jean Dubuffet, Phyllis Kind, Randall Morris, Lucienne Peiry, Jennifer Pinto Safian, Barbara Safarova, Gérard Schreiner, Michel Thévoz
Quand
19h - 21h
Où
Aloïse Corbaz , La Blanche cavale, vers 1942 . Donation Bruno Decharme en 2021
© D.R.