Yu Ji. Spontaneous Decisions II

La pratique de Yu Ji part des techniques de la sculpture, un médium traditionnel qu’elle réinterprète à partir de l’installation, de la performance et de la vidéo. La durée et la transformation manuelle des matériaux sont au cœur de son œuvre. Accordant une part importante au procédé du moulage, sa série Flesh in Stone, entreprise en 2012, entretient une relation avec le principe de l’empreinte, d’un contact direct entre l’objet et sa représentation.

Cette méthode propre à la tradition des beaux-arts est détournée par des matériaux de construction qu’elle récupère dans l’espace public. Béton, mortier, armatures métalliques et débris de chantiers composent la matière première de ses assemblages. La figure humaine y surgit sous une forme fragmentaire, sans visage. Elle semble interroger la place de l’individu et l’échelle du corps humain dans la société contemporaine. Des corps qui se plient ou se dressent, se miniaturisent et se multiplient, s’agencent à des structures pour trouver une assise solitaire ou en groupe. Ils prennent une place active dans l’espace et interpellent le public par l’inachèvement qui les caractérise.

Dans sa série Ta Jama, également commencée en 2012, l’artiste sculpte des blocs de béton pour leur conférer l’aspect de pierres brutes. D’énigmatiques rochers aux formes organiques habitent l’espace de leur poids, qu’elle recouvre de textures vibrantes : mousse, résine, ou parfois ses propres cheveux. Avec la série Lento, enfin, Yu Ji explore la formation de structures à partir du comportement des matériaux sous les effets de la force gravitationnelle. Chaines métalliques et résine composent des enchevêtrements suspendus, chargés tout à la fois d’une matérialité très physique et une transparence lumineuse.

Spontaneous Decisions est le titre d’une série de performances que Yu Ji a commencée en 2016. Elle a initié ce projet dans le cadre de son exposition « Black Mountain » à la Galerie Beijing Commune (Pékin) et l’a poursuivi en 2017 à l’am Space, le lieu qu’elle a cofondé en 2008 à Shanghai pour partager avec les artistes locaux et de passage un site d’échanges, de travail collaboratif et de présentations artistiques. Le projet repose sur une activation des éléments de son exposition à travers une performance où elle partage l’espace avec des artistes invités. Il s’agit de mettre en jeu les matériaux de l’installation à travers des scénarii ouverts, où chacun et chacune apporte sa lecture.

Dans la Galerie 0 du Centre Pompidou x West Bund Museum Project, l’artiste développe une nouvelle version de ce projet à partir d’une installation inédite. Dans le cadre du musée, elle invite à une réflexion sur l’atelier. Le lieu de l’activité artistique y est à demi exposé, donnant à voir une pièce dans la pièce, qui accueille pendant les six premiers jours de l’exposition un travail de création à vue. Le fil conducteur interroge le principe moteur de la décision dans le geste artistique : majeure ou imperceptible, ouverte ou déterminée, méthodique ou improvisée.

Trois artistes également invités à explorer ces principes interviendront conjointement avec Yu Ji dans le cours de l’exposition. Le musicien électronique Yan Jun, l’artiste de scène Wu Meng et le vidéaste Chen Zhou. Chacun et chacune active l’espace à sa manière, entrelaçant diverses temporalités avec celle du processus plastique. Performance live, son et image en mouvement apportent leurs formes d’expression et leurs durées propres. À ces diverses vibrations sédimentées se mêlent les énergies du public dans cet environnement où rencontrer diverses expériences du regard et de l’écoute.