Projection et rencontre
Chantal Akerman, « Letters Home » , 1986
En présence de Claire Atherton et Coralie Seyrig
12 oct. 2022
L'événement est terminé
En 1984, Françoise Merle met en scène au Théâtre de Paris une pièce de Rose Leiman Goldemberg, adaptation de la correspondance de la poétesse américaine Sylvia Path avec sa mère, parue en 1975 sous le titre Letters Home.
Chantal Akerman signe alors sur support vidéo son unique essai de théâtre filmé, posant sa caméra devant et même sur un plateau qui réunit dans un huis clos intime Delphine et Coralie Seyrig. C’est à cette occasion qu’elle rencontre Claire Atherton, avec qui elle collaborera pendant plus de trente ans.
« 11 février 1963, Sylvia Plath, poétesse américaine, 30 ans, mariée, deux enfants, se donne la mort. Une longue et minutieuse correspondance la reliait jusque-là à sa mère. Françoise Merle avait monté un spectacle en 1984 autour de cette correspondance, cantate à deux voix où celle de la mère et celle de la fille se confondaient, se répondaient, se séparaient ou se cherchaient. Chantal Akerman a suivi ce chemin qui mène de la folie à la mort, chemin constamment balisé par cet échange de voix fragiles où se dit la difficulté d’écrire, les douleurs et les bonheurs de la vie d’amante et de mère. Comme toujours, Akerman travaille d’abord sur le temps, et le temps de la folie est un matériau certes difficilement saisissable mais extraordinairement motivant. Tout le projet tient en une proposition : le rythme du film doit suivre les méandres de l’esprit de l’héroïne. Entre les périodes d’euphorie et la vitesse redoublée des paroles qui se croisent, mordant les unes sur les autres, il y a plus qu’un parallèle : il existe une véritable osmose que le filmage (en champ contre-champ intégral) et le montage (jouant sur le tranchant alternatif, gracieux ou miraculeux du cut) soulignent à l’infini.
Auparavant, pour ses films américains, par exemple, Chantal Akerman jouait de préférence sur les richesses de la longue durée ; là, elle adapte son regard et son écoute aux mots instinctifs d’une correspondance vécue intensément. Aussi, lorsque Sylvia connaît ses premiers flirts, tout le film semble se transporter de joie, l’image soulignant à l’envie les sourires goulus et les yeux pétillants d’un visage rieur cadré de près avec une vitesse riche de sens, et, lorsqu’au contraire, l’angoisse monte, ce sont la gorge serrée et les ongles rongés qui donnent le ton à une image versant alors dans les coloris verdâtres et montrant des peaux blêmes. Il y a dans ce film vidéo une telle intensité de regard, un tel désir d’échanger des mots qui réconfortent, et aussi une telle volonté de meurtrissure, que les images, que les sons, croisés les uns aux autres, finissent par faire mal. De ces incessants croisements naît une émotion qu’il est difficile de contenir. »
Antoine de Baecque, Cahiers du cinéma, n°399, septembre 1987
Chantal Akerman, Letters Home, 1986, vidéo, couleur, son, 104 min, collection du Centre Pompidou
Avec Delphine Seyrig et Coralie Seyrig
Photographie : Luc Benhamou, son : Alix Compte, montage : Claire Atherton, composition de la bande sonore : Chantal Akerman et Claire Atherton
Projection suivie d'une discussion avec Claire Atherton et Coralie Seyrig.
Claire Atherton
Claire Atherton est monteuse. Elle est née en 1963 à San Francisco, puis a grandi à Paris.
Attirée par la philosophie taoïste et par l’aspect visuel des idéogrammes, elle s’oriente vers des études de langue et civilisation chinoises tout en travaillant comme technicienne vidéo notamment au Centre Simone de Beauvoir. Parallèlement, elle intègre l’École Louis Lumière en formation professionnelle. Elle commence par travailler au cadre et à la lumière, s’intéresse aussi à la prise de son, mais c’est dans le montage qu’elle trouve sa voie. En 1986, elle monte Letters Home, de Chantal Akerman, avec Coralie et Delphine Seyrig. C’est le début d’une collaboration de trente ans sur les films et installations de la cinéaste, jusqu’à son dernier film No Home Movie, et sa dernière installation Now. Elle est aujourd’hui responsable de la conception et de la mise en espace des installations de Chantal Akerman lors d’expositions dans le monde entier.
Claire Atherton travaille aussi avec de nombreux réalisateurs et artistes de différents horizons. Parmi eux Luc Decaster, Noëlle Pujol, Andreas Bolm, Emmanuelle Demoris, Elsa Quinette, Christophe Bisson, Éric Baudelaire, Maria Kourkouta. En 2013, son travail a été honoré par une rétrospective à la Cinémathèque de Grenoble. En 2019, le Festival International de Films de Locarno lui décerne le Vision Award Ticinomoda pour l’ensemble de sa carrière.
Coralie Seyrig
Coralie Seyrig est une actrice et comédienne française. Après avoir étudié le théâtre à New York avec Stella Adler au Lee Strasberg Theatre and Film Institute et à Paris avec Andréas Voutsinas, Coralie Seyrig joué dans de nombreuses pièces, notamment Une minute encore (Théâtre 14) et Accents en Alsace (Théâtre de Bobigny). En 2011, elle est seule en scène dans Madame de… Vilmorin où elle retrouve pour la seconde fois Christine Dejoux avec qui elle avait déjà travaillé pour L’Écumeur (2001). Coralie Seyrig investit également le domaine du cinéma en jouant dans les films de Robert Enrico, Michel Drach, Chantal Akerman, Pascal Thomas, Brigitte Roüan, Nicole Garcia, ou encore François Dupeyron.
Quand
19h - 21h30
Où
Delphine Seyrig et Coralie Seyrig sur le tournage de Letters Home, 1984
© Catherine Deudon / collection Roger-Viollet