Portrait de Mauricia Coquiot
1915
Suzanne Valadon
Il faut avoir le courage de regarder le modèle en face si l’on veut atteindre l’âme.
Mauricia Coquiot est collectionneuse et épouse du critique d’art Gustave Coquiot peint par Pablo Picasso en 1901. Ce portrait est une commande du mari, fidèle admirateur de Valadon. Dans une pose hiératique quasi défiante, le port de tête altier, le modèle s’érige entre un opulent bouquet de fleurs et un rideau bigarré. Par son visage volontaire et son buste ample, Madame Coquiot est présentée comme une femme de caractère. Dans son passé, elle fut vedette de music-hall et de cirque sous le nom de « femme-bilboquet »”. La main étalée sur sa cuisse, la pose de profil mais le visage tourné, le buste bien en avant, elle se positionne au centre d’une mise en scène théâtrale, telle une diva prête à chanter.
Valadon s'inscrit dans l’héritage du portrait flamand du 15e siècle mais aussi de ses contemporains Pierre Bonnard et Édouard Vuillard, membres du récent mouvement nabi. L’un de ses fondateurs, Maurice Denis, écrit en 1890 dans la revue Art et Critique que toute peinture est avant tout « une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Cette revendication de la planéité est reprise en 1905 par les peintres fauves et notamment par Henri Matisse dans son utilisation des motifs décoratifs sur toute la surface du tableau. Comme ce dernier, Valadon dispose d’une importante collection de tissus à motifs variés qu’elle choisit selon ses modèles. Ces tissus, qu’elle a pu acquérir lors de son mariage avec Paul Mousis, riche négociant en étoffes, lui permettent de procéder pour chaque portrait à une véritable mise en scène qui se justifie d’autant plus pour celui de Madame Coquiot. En effet, en plaçant son amie entre un bouquet de fleurs et un rideau bigarré, elle ne peut manquer d’évoquer son passé d’artiste de scène.