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L'artiste et son œuvre

Suzanne Valadon

Suzanne Valadon commence sa carrière à la fin du 19e siècle et la développe pleinement dans le premier tiers du 20e siècle. Sa peinture est également symptomatique de l’émancipation des femmes à l’aube du 20e siècle. Avec ses autoportraits dénudés et ses nus masculins, Valadon sabote les stéréotypes, renverse la relation de l’artiste masculin avec son modèle féminin et invente un nouveau regard sur le nu.

Une jeunesse à Montmartre  

Fille d’une blanchisseuse limousine, Marie-Clémentine Valadon était peu prédestinée à devenir artiste. Née en 1865 à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), son itinéraire professionnel est très lié à la butte Montmartre où sa mère choisit de s’établir en 1867. Ce quartier de Paris très actif où résident de nombreux artistes offre à la jeune femme l’opportunité d’apprendre différents métiers artistiques. Elle se forme d’abord comme trapéziste dans un cirque où elle se fait appeler Olga. Suite à une mauvaise chute, elle devient modèle professionnelle de peintres, tels que Pierre Puvis de Chavannes, Auguste Renoir ou Henri de Toulouse-Lautrec sous le prénom de Maria. Ce contact auprès de grands artistes l’incite à pratiquer elle-même.

De modèle à peintre  

C’est en tant que Suzanne Valadon qu'elle signe ses premiers dessins en 1883. Edgard Degas l’adoube comme artiste, lui prodigue des conseils qu’elle ne suit pas, dira-t-il, et lui apprend la technique de la gravure.  C’est néanmoins sous son impulsion qu’elle dessine des scènes intimes à la toilette des personnes de son entourage : son fils, sa mère ou Catherine sa domestique sont saisis sur le vif nus, à la toilette, sans romantisme ni idéalisation. Elle expose ses premiers dessins dès 1894 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. En 1896, en épousant Paul Mousis, un riche négociant en étoffes, elle dispose d’une sécurité matérielle et financière qui lui permet d’avoir son propre atelier rue Cortot. Elle découvre également la vie à la campagne grâce à l’acquisition d’une maison à Pierrefitte. Elle dessine beaucoup et commence à peindre des nus, des portraits et des natures mortes.   

Un nouveau regard sur le nu  

En 1909, la rencontre avec le peintre André Utter l’amène à changer sa palette et à faire preuve de plus d’audace encore. Elle fait même scandale au Salon des indépendants en se peignant avec lui en Adam et Ève. Son style personnel s’affirme et demeurera tel sans se laisser influencer par les différents mouvements artistiques qui apparaissent à cette période. Avec son regard de femme, elle revisite des sujets classiques et renverse le système de valeurs établi par les hommes. D’un dessin ferme et dans des couleurs éclatantes, elle habille et fait fumer l’Olympia, dénude des hommes et se peint seins nus à un âge avancé. Les corps sont modelés vigoureusement, les poses saisies à la volée, les silhouettes prises sous des angles inédits et les regards francs et frontaux.  

La vérité par le portrait  

Forte d’une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois. Elle installe ses modèles dans des intérieurs simples mais animés de tissus ou tapis aux motifs colorés dont elle possède une collection. Valadon choisit ses tissus et en arrange la disposition en fonction du modèle. Ce dernier orchestre l’ensemble selon sa carnation et sa pose plutôt qu'il n'est un élément parmi la décoration.   

Pour Valadon, la recherche du naturel est la vraie quête : « La nature a une emprise totale sur moi – les arbres, le ciel, l’eau et les êtres, me charment passionnément, profondément. Ce sont les formes, les couleurs, les mouvements qui m’ont fait peindre, pour essayer, avec amour et ferveur, de rendre ce que j’aime tant. Dans ce que j’ai peint, pas une touche, pas un trait, qui ne soit appuyé sur la nature. » Même si la nature l’inspire plus pour la construction de ses toiles et pour les émotions qu’elle suscite en elle que par les motifs et les vues qu’elle offre, Valadon finit par la prendre pour sujet. 

En 1923, elle achète le château de Saint-Bernard où elle peint des paysages.  À la fin de sa vie, elle peint essentiellement des natures mortes et des bouquets de fleurs. Alors qu’elle a acquis une reconnaissance nationale - des acquisitions d’État en font foi – et internationale, Valadon meurt d’une attaque cérébrale en 1938.